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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/187

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Et de fait, c’étaient des fidèles de Napoléon qui montaient la garde, afin que nul ne pût se glisser auprès de la tente impériale, pour surprendre les paroles mystérieuses et graves qui s’y prononçaient.

Sous l’abri de toile double, cinq personnes étaient assises devant une table, sur laquelle s’étalait une carte.

Cette carte à elle seule eût excité les soupçons du colonel Campbell, s’il avait pu la voir.

Elle figurait la Corse, l’île d’Elbe, la côte italienne de Rome à Gênes, la côte française de Gênes à Marseille.

Et sur elle, s’appuyait la main nerveuse de l’Empereur, dont l’index traçait des lignes incompréhensibles à travers la teinte bleue représentant la mer.

Le général Drouot, Espérat, Henry, se tenaient tout près, attentifs, recueillis.

Un quatrième personnage écoutait également.

C’était Monsieur Pons, dit Pons de l’Hérault, administrateur des mines de l’île d’Elbe.

De taille moyenne, avec un peu d’embonpoint, Pons avait alors quarante-trois ans ; son front large, couronné de cheveux peu fournis, mais frisottants, son nez fort, son menton carré, formaient un ensemble, sinon joli au sens pictural de mot, au moins agréable. L’impression aimable était encore augmentée par le regard loyal décelant la volonté et la franchise.

— Ainsi, M. l’Administrateur, lui dit l’Empereur, je dispose de cinq navires : le brick l’Inconstant, la goélette Caroline, la felouque l’Étoile et les avisos Mouche et Abeille.

— Oui, Sire.

— Est-ce tout ?

— À ces bâtiments, pourraient s’ajouter deux transports affectés à l’envoi du minerai à Livourne.

— Donc, sept vaisseaux.

— Oui.

— Susceptibles de recevoir combien de passagers ?

— Onze à douze cents.

— Tiens, remarqua paisiblement Drouot, nous avons une flotte suffisante pour aller faire la guerre au loin, car, si je ne m’abuse, l’armée d’Elbe comprend environ onze cents hommes, tant soldats de la Garde, que Polonais, Corses et engagés elbois.

Un coup d’œil autoritaire de Napoléon lui imposa silence.

— Tu rêves, mon brave Drouot, si le colonel Campbell était à portée de