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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/217

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Napoléon dit seulement :

— Je le sais, et je compte sur toi.

Quelques minutes après, Marchand, aidé par Espérat lui-même, roulait un baril de poudre dans la cabine où le fidèle valet de chambre arrima le fût.

Lente s’écoula la matinée.

Grave et triste, Milhuitcent se tenait sur le pont, regardant avec inquiétude la mer immobile, sans une ride, à la surface de laquelle l’escadrille, qui portait la fortune de l’Empereur, semblait dormir.

— Oh ! ce calme maudit ! murmurait-il parfois !

Et Marchand, debout à ses côtés, répondait.

— Ce calme règne dans toute la région. Les navires ennemis ne peuvent se déplacer non plus que nous.

Et le silence pesant régnait de nouveau à bord.

Tous, généraux, officiers, soldats ou marins, subissaient l’assaut des mêmes pensées.

Par mesure de précaution, Milhuitcent avait condamné la porte de la cabine où était enfermée la poudre. Lassé par l’attente, il s’était enfin assis sur un rouleau de cordages, absorbé en une rêverie sombre.

Et peu à peu, Espérat ressentit une impression étrange. Il lui sembla que son corps cessait de peser sur son âme. Une sorte d’extériorisation, de sensibilité télépathique se développa en lui.

Fut-ce l’effort de son cerveau, tendu implacablement vers le même objet ; fut-ce un de ces inexplicables phénomènes nerveux que la science constate sans les comprendre ? Mais sa volonté s’évapora ; une sorte de trouble divinatoire domina tout son être, et incapable de résister à la poussée d’une force inconnue, agissant comme en un demi-sommeil, avec