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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/244

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— Je poursuis donc, puisque Votre Majesté le permet… Soudain le compte rendu analytique est fondé par un inconnu, accouru de province dans la capitale en ébullition. Aucune place n’était réservée à la presse, Maret bivouaque en plein air aux abords de l’Assemblée, se glisse le premier dans les tribunes, et servi par une mémoire admirable, s’aidant d’une sténographie qu’il invente, il note tout, rien ne lui échappe. La séance close, il mange à la hâte, dort quelques heures, puis vient reprendre sa faction autour de l’Assemblée. Le 12 février 1790, le Moniteur ouvre ses colonnes à Maret et à son Bulletin de l’Assemblée Nationale.

Louis XVIII approuvait de la tête.

— Les années s’envolent, continua le lecteur. Bonaparte sort de l’ombre ; il devient Premier Consul. Un beau jour, il fait appeler Maret. — C’est vous, demande-t-il, qui êtes l’auteur du fameux Bulletin ? — Oui, général. — C’est très bien ; quel âge aviez-vous alors ? — Vingt-cinq ans et le désir de m’instruire. — À merveille ; mais où preniez-vous le temps de brocher tout cela ? — En travaillant de tête et de plume vingt heures sur vingt-quatre, général. — Oui, comme cela on peut faire quelque chose. Bonsoir, monsieur Maret, bonsoir, moi aussi, j’ai à travailler. Le lendemain, Maret était nommé secrétaire général des consuls.

— L’anecdote est véridique, questionna lentement le roi ?

— Absolument, Sire ; dix personnes étaient présentes à l’entretien, que le Moniteur rapporta le lendemain.

— Elle fait honneur à l’un et à l’autre. Achevez, Lendron, je suis content de votre article.

— Membre du Club des Feuillants, Maret fut envoyé en Angleterre pour obtenir la neutralité de cette puissance. Nommé ensuite ambassadeur à Naples, il fut arrêté par les Autrichiens en traversant les Grisons et fut enfermé en prison, durant trente mois, au bout desquels, lui et divers autres captifs furent échangés, en 1795, contre la fille de Louis XVI. Devenu secrétaire de Bonaparte, lors du retour d’Égypte, il fut successivement secrétaire général du gouvernement consulaire, chef du cabinet, ministre des affaires étrangères en 1811, secrétaire d’État en 1813[1]. Un choc discret, contre la porte qui conduisait à l’antichambre, interrompit le gazetier.

La tête d’un page se glissa par l’huis entrebâillé.

— Sire, M. le duc de Blacas.

  1. Le duc de Bassano devait être de nouveau Secrétaire d’État, dans cette année 1815, être exilé, après Waterloo. Devenu pair de France en 1831, après la révolution de 1830, il mourut en 1834 membre de l’Académie Française.