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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/245

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— Lui. Je le croyais hors Paris… ; qu’il entre.

Et s’adressant à ses collaborateurs :

— Passez dans la pièce voisine, nous reprendrons tout à l’heure.

Les deux personnages s’inclinèrent très bas, roulèrent leurs papiers et s’esquivèrent sans bruit.

Au moment même la porte de l’antichambre se rouvrit, et la voix joyeuse du page lança ces noms :

— M. le duc de Blacas ; M. le comte de Rochegaule d’Artin !

Les deux gentilshommes entrèrent.

— Qu’y a-t-il, mon Duc, demanda le roi, interrompant le compliment que son favori se préparait à débiter.

— Des nouvelles, Sire.

— Bonnes au moins.

— Elles peuvent le devenir.

Et comme Louis esquissait un geste étonné :

— C’est ainsi que M. de Rochegaule d’Artin m’a abordé ce matin, Sire, et la conversation, qui a suivi cet exorde en rébus, m’a paru à ce point intéressante, que j’ai immédiatement fait atteler, pour vous amener ce gentilhomme…

Blacas prit un temps avant d’achever :

— Qui, Votre Majesté doit s’en souvenir, quitta Paris, il y a sept jours, porteur d’un message à M. de Talleyrand.

— Sept jours, répéta Louis, c’est bien court pour aller à Vienne et en revenir.

Et avec éclat, comme si la lumière se faisait brusquement dans son cerveau :

— Vous avez échoué ?

Sans émotion apparente, de Rochegaule d’Artin répondit :

— Oui… et non, Sire, j’ai été arrêté près de Molsheim, par des ennemis de Votre Majesté…

— Arrêté ?

— Hélas, oui ! Ces drôles ont pris connaissance de la lettre…

Louis avait pâli. Se tournant vers M. de Blacas :

— Tu le vois, mon Duc ; j’avais raison de ne pas vouloir l’écrire. À présent, mes ennemis ont entre les mains une arme terrible. J’aurai beau protester, j’aurai beau affirmer que mon but était de sauver la vie au roi d’Elbe ; l’histoire ne ratifiera pas mes paroles.

— Attendez, Sire, que M. de Rochegaule ait achevé son récit.

— Qu’importe ce qui lui reste à dire ?