Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Soudain, la porte s’entrebâilla.

Che peux endrer ? demanda une voix blanche, voix de gamin de Paris, en dépit de la prononciation tudesque.

— C’est toi, Jacob ?

Ya Meinherr.

Et l’interpellé pénétra dans la pièce.

C’était un enfant de treize à quatorze ans, malingre, blême, un de ces types comme en fournit la capitale. On sentait que celui-ci avait grandi dans un logis insalubre, privé d’air, de lumière, d’oxygène.

Toute sa vitalité paraissait concentrée dans ses yeux vifs, sans cesse en mouvement, yeux craintifs et audacieux de moineau ou de souris.

C’était le fils d’Abraham Gœterlingue, placé, on s’en souvient, comme groom chez le comte de Rochegaule d’Artin.

Ce dernier reprit :

— Qu’est-ce qui t’amène ?

— Rien ne m’amène, Meinherr, mais guelgu’un m’enfoie.

Le gentilhomme se prit à rire.

— Parfait ! si ta prononciation est défectueuse, Jacob, du moins tu restes intraitable au point de vue de la logique de la phrase. Qui donc t’envoie ?

— Meinherr Denis Latrague.

— Et que veut-il ?

Barler avec fous, tout de suite, insdandanément.

D’Artin jeta un coup d’œil à la glace dressée en face de lui, s’assura que sa coiffure était à peu près terminée, et doucement :

— Dis à maître Denis de venir.

Jacob esquissa un salut bizarre et disparut. En courant, il traversa l’enfilade des pièces intermédiaires et se trouva bientôt dans le pavillon qu’habitait Lucile.

Le rebouteur l’attendait.

Meinherr le comte vous brie te lé joindre.

— Très bien, pitchoun, je me rends auprès de ce noble seigneur. Toi, demeure ici, farfandieou, et ne perds pas de vue cette porte.

Ce disant, maître Denis désignait l’entrée de la chambre où la malheureuse folle était enfermée.

As bas beur, répliqua Jacob, gomme y tisent les Parisiens, ch’ai bas mes yeux tétant ma bouche.

Sur cette assurance, Latrague se dirigea vers l’appartement du comte.

Resté seul, Jacob secoua la tête :