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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/250

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— Blus souvent qué ché fais rester ici. Ta gonversasion avec lé comte il m’indéresse pien plus qué ça.

Et sur la pointe des pieds, il s’élança dans le sillage du rebouteur.

Un instant plus tard, il était penché devant la porte de la chambre à coucher du comte, et l’œil à la serrure, il apercevait le gentilhomme et Denis.

Le premier était assis, le second parlait debout.

Jacob entendit et vit ce qui suit.

— Eh bien, maître Denis, disait d’Artin, il vous faut m’envoyer un ambassadeur, pour annoncer votre visite…

— Question de discrétion, vé, Monsou le comte.

— Soit ! Vous êtes discret, qualité rare chez les Méridionaux ; mais vous êtes aussi un adroit personnage. Vos précautions avaient pour but, j’en jurerais, de me préparer à quelque grave confidence.

— Rascasse, on ne peut rien vous cacher. Vous êtes le gentilhomme le plus perspicace de la cour.

Jacob se frotta les mains :

Ah ! Ah ! Tes choses graves. C’est chustement celles-là que je bréfère surprendre.

— Au fait, grommela d’Artin.

— J’y arrive, Monsou le comte, fit respectueusement le Provençal.

— Ce n’est pas trop tôt.

— L’état de Mlle de Rochegaule m’inquiète.

Un sursaut de son interlocuteur interrompit la phrase commencée.

— Vous inquiète, dites-vous ?

— Vé, oui, c’est ce que je dis.

— Et qu’a-t-il de particulier, l’état de Mlle de Rochegaule ?

— Agitation inaccoutumée.

— Hein ?

— Surexcitation cérébrale accompagnée de phénomènes de vision à distance.

Guesqu’il ragonte, murmura Jacob, spectateur invisible de la scène. Ça m’a l’air d’être tes histoires te brigands.

Sans doute, le comte se fit une réflexion analogue, car il gronda :

— Ah ça, maître Denis, vous moquez-vous de moi ?

Le rebouteur ne sourcilla pas. D’une voix grave, il expliqua :

— Les fous voient parfois des choses invisibles aux autres. Leur délire est inspiré par des forces inconnues.

Son organe décelait une sorte de frayeur mystérieuse. D’Artin se sentit