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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/277

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De même qu’à Grenoble, le peuple manifestait en faveur de Napoléon et les soldats, sombres, anxieux, à l’affût des nouvelles, attendaient l’Empereur pour l’acclamer.

Une sorte de terreur prit le comte en face de la prodigieuse popularité de celui dont il s’était fait l’adversaire. Peut-être en son cœur gangrené naquit le regret de ne pas avoir agi en sens contraire. Regrets tardifs. La partie était jouée, il fallait en accepter les conséquences. Pour l’instant il importait de gagner Paris en hâte, de veiller à mettre Lucile hors d’atteinte…, puis, tranquille de ce côté, de chercher par un coup d’éclat à ramener la fortune.

Que diable, à une époque aussi troublée, un homme actif, à la conscience non encombrée de préjugés, devait fatalement arriver à son but.

Son cheval épuisé, d’Artin loua une chaise de poste et, à toute allure, fila vers Paris.

Partout les populations entraient en effervescence.

Les maisons des fonctionnaires royalistes étaient assiégées, brûlées.

Le comte se penchait sans cesse à la portière pour crier au postillon.

— Plus vite ! Plus vite, je triple les guides.

Le fouet, à ces paroles magiques, semblait s’animer ; il claquait, cinglait l’échine des chevaux, et les malheureuses bêtes, exaspérées par ces contacts cuisants, emportaient le véhicule avec la rapidité de la foudre dans un nuage de poussière.

Mâcon, Dijon, Auxerre, Fontainebleau, restèrent en arrière. Au passage on avait entrevu le quartier général de Ney, mais d’Artin n’avait pas voulu que l’on s’arrêtât.