Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soldats. La partie serait égale. Mais je n’ai pas le temps dans mon jeu. Six cent mille ennemis s’avancent par l’Est. Ils n’entreront pas en action avant un mois. À cette heure, je n’ai pour adversaire que les troupes anglaises et prussiennes concentrées en Belgique, sous les ordres de Wellington et de Blücher : deux cent vingt mille baïonnettes. Si je les écrase, je sème l’indécision parmi les autres ; j’obtiens peut-être la paix si ardemment souhaitée. Pour vaincre deux cent vingt mille ennemis, je dispose de cent vingt-quatre mille fils de France.

L’Empereur frappa du pied. Avec une sourde colère il gronda :

— Oh ! ces royalistes de l’Ouest… ces fous, qui à la minute où se joue le sort du pays, recommencent la chouannerie, m’obligent à immobiliser là-bas vingt-cinq mille hommes dont j’aurais si grand besoin ici.

Un moment, il s’arrêta devant la fenêtre, regarda la rue sombre, les soldats couchés sur le sol en arrière des alignements d’armes en faisceaux, puis ses yeux se levèrent vers le ciel ponctué par la sarabande des étoiles.

— L’étoile, murmura-t-il, l’étoile.

Puis d’un ton volontaire.

— Cela est sûrement écrit… Ce sont les fautes de mes adversaires qui doivent me fournir mon unique chance de succès.

— Et un vague sourire se jouant sur ses lèvres :