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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/138

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— Je te le jure, toi qui as la langue blanche et noire[1], le griot ne l’a pas dit.

— Il a conté que des blancs s’avançaient vers une bourgade.

— Bien loin d’ici, sur le Nil.

— Une bourgade qui s’appelle Fachoda.

— Et dont nous ne connaissions pas le nom.

— Taisez-vous, clama Landeroin exaspéré. Et comme elles se tenaient devant lui, muettes et tremblantes.

— N’ayez donc pas peur, sacrebleu. Je vous répète que l’on ne vous veut pas de mal. Voyons… Rappelez vos souvenirs… Les blancs en question remontent-ils le fleuve ou le descendent-ils ?

— On ne l’a pas dit.

— Au diable !

Puis soudain, par réflexion, l’interprète se calma.

— Votre village est éloigné ?

Elles firent non du geste.

— Combien de marche ?

— Un petit moment, tout petit… une foulée de lion.

Landeroin sourit.

Une foulée de lion, dans le langage nègre, représente, en effet, à peu près un kilomètre.

C’est la distance maximum que fournit le lion lorsqu’il poursuit une proie qu’il a manquée à son premier bond.

Le lion en effet court mal. Il chasse à l’affût, bondit si un animal passe à sa portée. Son coup manqué, il fait un semblant de poursuite, puis revient à son point de départ attendre une autre occasion.

Les naturels, très observateurs des us et coutumes des hôtes de leurs forêts, ont remarqué ce détail et ils ont pris l’habitude de compter par « foulées de lion ».

Donc l’interprète traduisit la conversation que nous venons de rapporter et avisa le commandant de son intention d’accompagner les négresses à leur village, afin d’interroger le griot.

Marchand approuva son idée.

  1. Expression qui signifie : Toi, qui parles la langue des blancs et celle des nègres.