fidie anglaise ; perfidie préméditée, car, durant les négociations qui s’engagèrent bientôt entre les cabinets de Paris et de Londres, lord Salisbury, appuyé par une formidable campagne de presse, se borna à répéter sur tous tes tons :
— Il n’y a pas d’occupation française du Bahr-el-Ghazal, de Fachoda. La mission Congo-Nil doit être supposée détruite par les Derviches. Plus de mission, partant plus d’occupation.
Toutefois Marchand ne céda pas.
Il se contraignit à sourire et gaiement.
— Ma foi, général, vous avez le don de la plaisanterie. Permettez-moi seulement de faire remarquer que, pour des trépassés, mes soldats et moi-même sommes en assez bonne santé.
Arrogant, le sirdar s’écria :
— Je ne plaisante jamais.
— Pourtant.
— Je vous tiens pour disparus, et je crois que vous ne vous opposerez pas à ce que je conforme ma conduite aux ordres de l’Amirauté.
Et comme Marchand secouait la tête :
— Veuillez réfléchir, commandant, avant de prendre une décision. Comparez les forces dont nous disposons l’un et l’autre.
— J’ai comparé avant de me rendre auprès de vous, répliqua tranquillement Marchand.
— Bien. Alors vous vous êtes rendu compte que je dispose de troupes…
— Dix fois supérieures en nombre, oui, général, je m’en suis rendu compte.
— Eu cas de conflit, qu’arrivera-t-il ?
Le visage du sirdar rayonna d’une joie méchante, tandis que ses lèvres formulaient cette dernière question.
Mais plus paisible que jamais, le commandant dit :
— Il est presque certain que nous serons vaincus.
— Vous ne risquerez donc pas une lutte par trop inégale ?
Un éclair passa dans les yeux noirs de Marchand. Son visage énergique s’anima, son front large sembla se nimber d’une auréole.
— Vous vous méprenez, général, fit-il d’une voix vibrante. De ce que la lutte est sans issue, il ne s’en suit pas que l’on doive la fuir.