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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/179

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mes, les voyageurs allaient à la file au milieu d’un chaos titanique.

Dans le dédale de rocs, de pics, de canons, de barrancas, Cœur de Feu n’hésitait jamais sur la route à suivre. Avec la prodigieuse sagacité de sa race, il découvrait les sentiers praticables, contournait les obstacles, ne se laissant détourner par rien de la direction du sud. Une trentaine de Séminoles, rencontrés en chemin, avaient augmenté le cortège.

Enfin le cinquième jour, à l’aube, les cavaliers débouchèrent dans un vaste cirque au fond duquel miroitaient les eaux sombres d’un petit lac.

— Agua-Negra, dit seulement le Séminole.

Tous s’étaient arrêtés. L’endroit apparaissait sinistre. Autour du lagon, les falaises de basalte noir, déchiquetées en aiguilles, striées en fûts de colonnes, s’élevaient à trois ou quatre cents mètres de haut, et l’eau, qui les réfléchissait, prenait une teinte d’encre.

Tout était sombre, désolé, tout semblait désert. Pourtant le chef désigna le fond, puis la droite, de la vallée.

— Apaches… Comanches, prononçait-il en même temps.

Et, en regardant avec attention, les blancs aperçurent des corps étendus sur le sol resté libre entre la rive du lac et le pied des rochers.

Il fallait que Cœur de Feu eût une vue exceptionnelle pour distinguer, à pareille distance, les insignes des guerriers.

Déjà Scipion et Marius apprêtaient leurs armes. L’Indien les arrêta du geste : 

— Écoutez.

Une sourde rumeur passait dans l’air. Soudain des hurlements sauvages retentirent auxquels se mêlèrent bientôt des coups de feu.

— Les Comanches me croient mort, murmura Cœur de Feu, ils attaquent de nouveau les amis de mon frère.

Il eut un geste.

En une seconde, lui et ses guerriers eurent mis pied à terre, et Cœur de Feu, laissant le sentier par lequel il était descendu dans la vallée tout à l’heure, s’engagea sur une étroite corniche longeant la falaise en surplombant le gouffre. Scipion et Marius suivaient les Indiens.