Aller au contenu

Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

esprits, une histoire qui rendra impossible la Confédération et amènera certainement la mort de la malheureuse insensée dont l’imagination a bouleversé le continent américain.

Il est impossible de rendre la pitié hypocrite, la cruauté larmoyante avec lesquelles ces derniers mots lurent prononcés.

Encore que les scrupules ne le gênassent guère, Sullivan frissonna. Il venait d’entrevoir l’abîme de l’âme du pasteur.

Celui-ci pariait toujours :

— L’histoire, la voici. Le Gorgerin inca-atzec, commandé par le roi péruvien Huascar et par le roi mexicain Montezuma, le Gorgerin aux six pendeloques d’opale, aux six pendeloques de lapis-lazuli, ce Gorgerin n’a jamais été exécuté. Il est resté à l’état de projet, dessiné par un artiste ignoré — ce dessin existe, en effet, et je m’en sers — mais les orfèvres, les joailliers n’ont point été conviés à le fabriquer.

— Ah ! murmura Joë déconcerté par la prodigieuse fourberie que son interlocuteur développait cyniquement devant lui… La Mestiza est ainsi accusé de mensonge…

— Accusée… et convaincue… Les dessins relatifs au Gorgerin ont été envoyés à un bijoutier réputé de Paris… Eh ! Eh ! les temps sont durs pour la bijouterie, les bonnes aubaines sont rares… Bref, ce brave homme proclame urbi et orbi que le joyau lui a été commandé par doña Dolorès Pacheco qui, dans quelques semaines, le recevra dûment empaqueté, cacheté, ficelé, après avoir eu un délai normal suffisant pour simuler la recherche du « totem nouveau ».

Certes, Sullivan était un bandit. Un assassinat lui paraissait la chose la plus naturelle du monde, dès l’instant qu’il servait ses intérêts, mais la duplicité du gouverneur le révolta.

— Tout cela est de la calomnie.

— Vous l’avez dit, cher sir, vous l’avez dit. La calomnie, cette arme des infâmes papistes, que moi, pasteur méthodiste, je n’emploie qu’à regret… ; la calomnie que je réprouve, mais que mon patriotisme excuse. Au surplus j’ai envoyé aujourd’hui même un courrier à l’hacienda de San Vicente, où la señorita Dolorès s’était arrêtée… ; j’avise cette pauvre jeune fille des dangers qui l’entourent, je la supplie de ne pas poursuivre sa marche vers le Nord. En un mot,