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Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/99

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je donne aux États-Unis l’attitude la plus correcte en cette affaire, et j’espère que tous les gouvernements apprécieront la noblesse de nos procédés.

— Mais si elle se laisse persuader, fit Joë respirant plus librement, la Mestiza sera sauvée.

Les yeux de Forster se fermèrent à demi et avec un regard oblique de félin :

— Elle serait sauvée, en effet, si elle suivait mes conseils ! Mais hélas ! la colère divine s’abat sur elle. Mon courrier envoyé, j’ai appris qu’elle avait quitté San Vicente depuis une semaine, remontant vers le Nord en longeant le Rio Grande, de sorte que mon émissaire ne saurait plus la rencontrer.

Et levant les bras au ciel, le perfide personnage psalmodia :

— De sorte que l’infortunée créature est perdue, bien perdue. Ainsi l’a voulu le Très-Haut. Prions pour elle, cher sir, prions et résignons-nous. Les desseins de la Providence sont impénétrables, et il n’appartient pas à l’homme de chercher à les comprendre. Sorti de la poussière, destiné à y retourner, je me prosterne et je crie des profondeurs de mon humilité : que la volonté du Tout-Puissant s’accomplisse maintenant et dans les siècles des siècles.

Les cheveux de Sullivan se dressèrent sur sa tête en entendant les paroles du pasteur. L’indolent capitaine Hodge lui-même éprouva une sorte de commotion. Mais aucun des deux ne prononça un mot.

Forster les épouvantait. Ils venaient de comprendre que cet homme sinistre briserait comme verre tout obstacle placé en travers de sa route. La plus respectueuse critique même attirerait sa redoutable colère sur l’imprudent qui l’aurait formulée.

Satisfait sans doute de leur soumission :

— Il se fait tard, conclut le pasteur. Capitaine Hodge, faites-moi donner une chambre. N’importe laquelle, avec une natte pour m’étendre. Je ne suis pas de ces êtres qui se complaisent dans les douceurs du luxe. Je suis habitué à mener mon corps rudement, s’il le faut, et j’ai su souvent, dans ma vie, accepter d’un cœur joyeux les privations.

Puis, changeant de ton :

— Demain, je verrai le prisonnier Massiliague. Je ne doute pas de le gagner à notre cause. Les Français sont intelligents et ils ont horreur de la fourberie.