Aller au contenu

Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Et son père ?

— Décédé… Au surplus, j’ai rédigé un rapport chronologique, physique et moral qui vous éclairera. Désirez-vous que je vous le lise ?

— Je vous en prie.

L’organe du mystérieux jeune homme trahissait une émotion intérieure. On eût pu deviner qu’une anxiété le prenait à la pensée de ce qu’il allait apprendre sur ce jeune homme, orphelin maintenant, puisque son père était défunt et que, là-bas, à l’extrémité de l’Asie, dans ce morne bagne d’Aousa, sa mère avait fermé les yeux, ignorée de tous.

Méthodiquement, M. Kozets déploya plusieurs feuillets couverts d’une écriture anguleuse.

Il toussa, se moucha, puis lentement :

— Avant de commencer ma lecture, je dois vous dire qu’à Tours, où les Prince sont très honorablement connus, personne n’a pu me donner de renseignements sur la disparition de Mme Prince.

— Personne ?

— Non. M. Prince, père, a dû garder un silence peut-être commandé par les autorités russes… On raconte vaguement que la mère du jeune homme a péri, en Russie, dans un accident…

Dodekhan secoua la tête avec colère.

— On a dû persuader au malheureux père que sa femme était affiliée réellement à la secte nihiliste.

— C’est l’idée qui m’est venue, je l’avoue.

Un instant le Turkmène ferma les yeux. Si bas que son interlocuteur ne pût l’entendre, il murmura :

— Tout se paiera, tout !… mais chaque chose en son temps.

Et plus haut :

— Lisez votre rapport, monsieur Kozets. Je vous écoute avec la plus grande attention.

Le policier s’inclina d’un air flatté et commença :

— Prince, Albert de son prénom, a fait d’excellentes études classiques. Il se préparait à Polytechnique, quand la mort de son père arrêta net son essor. Pour continuer ses études, il fallait de l’argent : le défunt ne laissait que des dettes.

Devant cette fortune négative, Prince se montra courageux. Il renonça à l’avenir brillant qu’il visait, pour assurer un présent simplement honorable, et il entra comme commis dans la maison Bonnard et Cie, de Tours.