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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/145

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

— Niort… dix-sept minutes d’arrêt… buffet !

— Allons, murmura-t-il, un café va me remettre d’aplomb !

Sur ce, il saisit sa valise, marmonna :

— Il ne faut pas tenter les voleurs.

Et sauta sur le quai.

Deux minutes plus tard, sous la clarté blafarde du jour à son début, il était attablé au buffet, un bol de « noir » devant lui, avec croissants et beurre.

Mais, là, il eut l’impression étrange d’être le point de mire de la curiosité de plusieurs voyageurs. À sa droite, s’étaient installés deux hommes qui lui étaient totalement inconnus : l’un jeune, vingt ans à peine, d’une beauté hindoue ou orientale ; l’autre, pâle de teint, de cheveux, de prunelles. Ceux-ci dégustaient des tasses de chocolat.

À gauche, Ézéchiel Topee et Laura prenaient du thé, avec œufs sur le plat et sandwiches ; tandis qu’à une table voisine, Nelly Bonestone absorbait rêveusement un café au lait, dans lequel elle trempait du bout des doigts des rôties beurrées. Mais qu’ils fussent voués au chocolat, thé ou café crème, les convives avaient les yeux fixés sur Prince.

— Il paraît que je les intéresse, se confia celui-ci en aparté.

Puis, avec un vague sourire :

— Après cela, la bêtise humaine est d’un usage facile, même en voyage.

Qu’eût-il dit s’il avait pu deviner qu’à ce moment, dans le train on s’occupait aussi de lui ? Son ami Mariole, dont il ne soupçonnait pas la présence, l’avait guetté, et, après l’avoir vu disparaître dans le buffet, avait sauté sur le quai, en disant à Tiennette :

— Reste là, il ne faut pas qu’il nous voie avant l’arrivée à La Pallice.

— Je reste, papa. Mais j’accepterais bien un café en attendant.

— Entendu… je ne descends pas pour autre chose.

Et plus légèrement que l’on ne l’eût attendu de son âge apparent, Athanase courut à un gamin du buffet, poussant devant lui une voiturette, et lui commanda café, pains beurrés.

Un instant plus tard, tous deux buvaient le liquide noir, que les buffets décorent du nom de café, et la portière refermée, les rideaux tirés, comme si le wagon était un temple consacré au sommeil, tout en grignotant des tartines, ils coulèrent un regard par des interstices perfidement ménagés. Ils surveillaient l’entrée du buffet.

Deux minutes s’étaient à peine écoulées que Prince se montrait, regagnant placidement son compartiment.