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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/15

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Il n’avait pas achevé que le policier était debout devant lui et, le saisissant au collet, disait les dents serrées :

— Tu la connais ?

Sans effort apparent Dodekhan se dégagea, rejetant Kozets dans son fauteuil, et d’un accent empreint d’un écrasant mépris :

— J’ai demandé à entretenir Son Excellence le Gouverneur et non les laquais de la police.

i rapide avait été la scène que nul n’avait pu s’interposer. Et maintenant Labianov, le gardien Bolesine regardaient stupéfaits le prisonnier droit et calme, le policier renversé sur son siège fixant des yeux effarés sur celui qui, si prestement, s’était dérobé à son étreinte.

Le premier, Kozets recouvra sa présence d’esprit. Il se tourna vers le général et simulant la confusion :

— Je vous demande pardon, mon cher gouverneur, d’une vivacité que je déplore ; mon dévouement au Tzar m’a entraîné. Veuillez Oublier l’incident et…… reprendre l’entretien avec ce pensionnaire, qui porte bien son numéro… Mâtin ! Il a des nerfs…… comme Douze !

Heureux de n’avoir pas à sévir, Stanislas s’empressa de déférer au désir exprimé :

— Alors, Douze, si j’ai bien compris, tu souhaites que je t’autorise à veiller la mourante ?

— C’est cela même, Excellence.

— Je te l’accorderais volontiers, mais les ordres supérieurs sont formels… Ne doivent l’approcher que des personnes n’entendant ni le russe, ni le français…

— Et je parle ces deux dialectes d’occident.

— Donc, tu ne verras pas 1313.

Un fugitif sourire distendit les lèvres de Dodekhan.

— Nous ne nous entendons pas, Excellence. Vous êtes humain et bienveillant, j’ai tenu à vous marquer une déférence particulière en sollicitant une permission dont je n’ai nul besoin. Vous me la refusez, c’est votre droit ; mais ma courtoisie étant maintenant à couvert, je vous prie de ne pas dire que je ne verrai pas la Française.

— Que dit-il ? bredouilla M. Kozets, pétrifié par le sang-froid du détenu.

— Je dis qu’il faut que je la voie, car, dans son délire, elle appelle Dodekhan.

— Qu’en sais-tu ?

— Je l’ai entendue. Je l’entends encore.

Il penchait la tête en avant, dans l’attitude de quelqu’un qui écoute.