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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/393

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

votre père, de vous assurer de l’exactitude de mes dires, sous la seule condition que vous voudrez bien dès à présent me promettre de redevenir ma fiancée si, comme je l’affirme, Ézéchiel est au bout de ses dollars.

Il parlait avec trop de conviction pour que le doute subsistât.

La jeune fille comprit que la ruine de son père était un fait accompli.

Elle ne vit pas le fugitif sourire qui se joua sur les lèvres de Dodekhan, et avec une énergie qui surprit Orsato :

— Vous me demandez d’affirmer que j’aime mieux la richesse que…

— que les blasons, oui.

— Eh bien, señor, sachez…

Elle s’arrêta, se retourna vivement. Ses grands yeux bleus semblèrent interroger Prince, qui se tenait un peu en arrière ; puis reportant ses regards sur Orsato :

— Sachez, señor, que les richesses, les titres, ont pour moi bien perdu de leur valeur aujourd’hui… Je ne marierai que celui vers lequel me portera l’affection. Je ne saurais donc prononcer l’engagement que vous demandez.

À cette conclusion inattendue, Cavaragio répondit par un véritable rugissement.

— Alors, vous déguisiez donc la vérité sur le steamer.

— Non, je pensais à cet instant ce que je disais.

— Et… ?

— J’ai changé depuis ; changé au point de ne plus me reconnaître moi-même.

Jusque-là, Orsato, se croyant maître de la situation, avait conservé tout son calme ; mais en se voyant éconduit par la jeune fille, les sentiments tumultueux de sa nature reprirent le dessus.

Ses lèvres se crispèrent, ses mains s’étendirent menaçantes.

— Oui, toujours la même, ironique et orgueilleuse… mais tremblez : car je vous épouserai en dépit de vous… Oh ! ce ne sera plus l’affection qui me guidera… Moi aussi, je me suis modifié, et si je n’écoutais que mon sentiment, j’en connais une plus digne, plus belle, plus noble, qui voit en moi un hidalgo, et ; non un esclave dont on se joue.

— Que ne lui donnez-vous votre nom ?

— Mon orgueil est en jeu… Je vous briserai… Vous avez vingt-quatre heures pour réfléchir… Les défilés sont bien gardés. Si demain vous ne répondez pas selon ma volonté, j’amènerai du canon et je vous pulvériserai dans votre abri. Ainsi vous serez punie de votre ridicule vanité, et moi, je serai libre, avec la certitude que vous ne serez jamais la fiancée d’un autre.