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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/83

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Une surveillance sévère, car cette jolie enfant, — il désigna Mona, — est la fille du gouverneur de Sakhaline.

Le lieutenant s’inclina. Il regarda successivement Mona, Lisbe, Kozets, puis d’une voix calme, en russe très pur, encore que l’accent nippon altérât quelque peu sa prononciation :

— Veuillez me suivre.

C’en était fait.

Dès le début du voyage, Mona se voyait prisonnière, et cela, avec d’autant plus de déplaisir qu’en sa petite cervelle de patriote slave, cette pensée venait, de se formuler avec une désespérante netteté :

— Vladivostok est coupé de Kharbine, point de concentration des forces russes. Dès ce moment, le port militaire, la province maritime et Sakhaline sont virtuellement séparés de l’empire des Tzars.

Mais ni elle, ni ses amis n’obéirent à l’injonction du lieutenant.

Une voix étrange, douce dans sa gravité, venait de laisser tomber avec des inflexions britanniques bien caractérisées :

Je demande le pardon, mais j’ai le laissez-passer, pour moi-même et pour les autres corps de mes amis, et je réclame leurs personnages.

Tous regardèrent.

Emmitouflée de fourrures, mais le voile vert national abritant son visage, une jeune personne venait d’entrer dans le groupe.

Sa longue pelisse de loutre, ses snow-boots, ses moufles, ne réussissaient pas à lui enlever cette démarche particulière aux Anglaises, faite de raideur et de charme.

Elle tendit au commandant un papier fort, plié en deux.

— Jetez vos yeux sur ce document, fit-elle.

Puis se tournant vers Mona, elle se présenta :

— Miss Mary Maryly, professeur anglais, envoyée contre vous par le lady Olga, pour le cœur de laquelle vous étiez la plus chère des nièces.

Une triple exclamation lui répondit :

— Miss Mary Maryly !

Ils la considéraient avec stupeur. Ainsi c’était là cette personne inconnue, annoncée par le Saint Synode et la direction de la police à M. Kozets.

— Et vous nous rejoignez ? questionna ce dernier, mû par une vieille habitude policière…

— Pour conduire cette jeune personne et Mlle Lisbe à Saint-Pétersbourg, puis pour vous emmener vous-même au bourg allemand d’Eydtkuhnen, où d’autres ordres parviendront.