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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/108

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leur montrait son jardin d’hiver ou ces châteaux dont il fermait la porte aux princes et aux archiducs. Il s’amusait parfois à faire revêtir à des paysans des costumes orientaux, à les traiter en pachas tout le long d’une journée. Ou bien il les conduisait dans la hutte de Hunding et leur faisait boire de l’hydromel dans des cornes, à la façon des anciens Germains. Et il s’amusait de leurs mines, des réponses qu’ils trouvaient à ses questions. Il ne faisait guère que raffiner sur le plaisir bien connu de l’intellectuel qui interroge les gens de la terre ou les gens de métier, s’intéresse à leur vie, découvre chez eux des sentiments insoupçonnés, se plaît à leur langage dont la verdeur le réveille Taine a écrit quelque part qu’il préférait la conversation du plombier qui vient réparer une fuite d’eau, à celle du Monsieur qui dîne en ville. Louis II ne faisait pas autre chose. Mais on est allé chercher des explications bien plus frappantes pour l’imagination. On lui a attribué des vices infâmes. Et ce n’est pas seulement dans les libelles ignobles qui s’impriment à Amsterdam ou au Caire, c’est dans de pesants traités de pathologie et sous la signature de « psychiâtres » éminents que ces accusations ont été lancées contre Louis II, sans preuve sérieuse d’ailleurs. Telle a été la vengeance des « hommes cultivés ». Ils ont su tirer parti des apparences autant que des imprudences littéraires et épistolaires du roi.

Louis II fut-il vraiment fou, enfin, parce que, vivant solitaire, il parlait seul et, fidèle à sa manie de théâtre, dialoguait avec des personnages absents ? Certes, le symptôme est grave. Mais tout dépend aussi de la façon dont les choses se passaient. Il arrivait qu’au lieu de lire pendant son repas, — il lisait souvent de bons livres français, — il fit la conversation — en français toujours — avec Louis XIV et Marie-Antoinette, priant le maître d’hôtel de se souvenir qu’il avait