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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/130

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Avec prudence, avec dissimulation, Louis II se rapproche de l’endroit qu’il a choisi. Il a endormi la méfiance professionnelle de l’aliéniste, il a joué le célèbre « psychiâtre », il a gagné en quarante-huit heures la partie de ruse. Tout à coup, voyant que la berge offre une inclinaison favorable, le roi prend son élan, jette son parapluie et son chapeau et court vers le lac. Surpris, Gudden lui permet d’abord de prendre une certaine avance. Puis, revenu de sa stupéfaction, il se met à la poursuite de son prisonnier, le rejoint au bord même du lac et tend la main droite dont un ongle fut trouvé retourné — pour l’arrêter par le col. Du mouvement le plus naturel du monde, Louis II, qui se disposait peut-être à retirer ses vêtements pour se mettre à la nage, laisse son manteau et son habit glisser entre les mains du docteur. C’est une nouvelle avance gagnée. Pourtant Gudden, plus vif que le roi, dont l’eau retarde la marche, reprend la poursuite, rejoint au bout de quelques pas le prisonnier confié à sa garde. Alors une lutte terrible s’engage. Les combattants ont de l’eau à mi-corps. C’est, à la fin, le roi, plus robuste et plus grand que son adversaire, qui parvient à le terrasser et qui le noie de sa propre main. Le visage du médecin était meurtri, méconnaissable on suppose que le roi l’avait labouré de coups à l’aide d’une lorgnette qui ne le quittait jamais.

Délivré de son geôlier au prix d’un assassinat, Louis II avait-il l’intention de se noyer, d’en finir par un suicide ? C’est la version que donne le rapport officiel des événements, tel que le présenta le Gouvernement de Munich. Mais il est malaisé de l’admettre. Pour se noyer, il eût fallu que Louis II se dirigeât droit devant lui, vers le milieu du lac où les profondeurs sont plus grandes. Il y avait encore assez de jour pour que Louis II ne pût se tromper. Or, à partir de l’en-