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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/119

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Selon Sandoz, ministre de Prusse, les Parisiens commençaient à murmurer : « Que fait-il ici ? Pourquoi n’a-t-il pas encore débarqué en Angleterre ? » Bonaparte disait lui-même : « Si je reste longtemps sans rien faire, je suis perdu. » Il craignait d’être oublié comme à l’époque, si proche encore, où, d’Avignon à Nice, il menait des convois. Il regrettait l’Italie. Il avait besoin de faire quelque chose et quelque chose d’aussi grand.

Cependant les Directeurs n’aimaient pas à le sentir près d’eux. Si Bonaparte trouvait que sa renommée était en baisse, ils l’estimaient, quant à eux, excessive et « inopportune ». Le moyen de l’éloigner de Paris, c’était de lui donner un emploi assez élevé pour que ni lui ni le public n’eussent à se plaindre d’un déni de justice. Le gouvernement lui confia le commandement de « l’armée d’Angleterre ».

En finir avec les Anglais par l’invasion de leur île, ce n’était pas une idée nouvelle. La Révolution y avait pensé bien avant le camp de Boulogne. « Il faudra voir comment l’Angleterre supportera un débarquement de deux cent mille hommes sur ses côtes », disait Carnot. Hoche avait été chargé d’une descente en Irlande au moment où Bonaparte était envoyé en Italie. Hoche avait perdu un an à organiser cette expédition chimérique. En moins de trois semaines, après une tournée d’inspection à Calais et à Ostende et sur le rapport de Desaix envoyé en Bretagne, Bonaparte se rend compte de l’inanité de ce vaste projet au succès duquel manque la première condition, une flotte capable de se mesurer avec la flotte anglaise, au moins de « surprendre comme Humbert le passage », ce qui sera l’idée de Boulogne. Pour le moment, ses conclusions sont négatives. Il abandonne le plan et, avec lui, le titre de commandant en chef de l’armée d’Angleterre. Titre ridicule. Ce n’est pas lui, du moins ; qui se l’est donné. Il prétendait d’ailleurs, causant