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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/138

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admirable. Tout conspire en faveur du jeune général, pourvu qu’il ne commette aucune imprudence, aucun faux pas. Et cette popularité en coup de foudre n’est pas mystérieuse. D’instinct, les Français cherchent un chef, comme Sieyès cherche un exécutant par calcul. Un chef, il n’en est pas d’autre que lui. Il n’en est pas, surtout, qui réunisse comme lui les conditions nécessaires. Les aspirations du pays sont confuses. Elles sont mêmes contradictoires. On est excédé du désordre qu’à engendré la Révolution, mais la masse tient à conserver les résultats de la Révolution, c’est-à-dire l’égalité et les biens nationaux. On est las de la guerre, mais on ne renonce pas aux limites naturelles. Et la réputation de Bonaparte est faite. Il remporte des victoires et des victoires qui obtiennent la paix, comme à Campo-Formio. Il ne transige pas avec la réaction, au besoin il la mitraille, et son langage exclut tout soupçon d’esprit féodal, mais il ne blesse ni les sentiments ni les croyances, il ne persécute ni les personnes ni les intérêts. Il est au-dessus des passions qui ont déchiré la France. Et là, s’il récolte après avoir semé, il a semé sans le vouloir, pour cette raison profonde, innée, originelle, que ces passions, révolutionnaires ou contre-révolutionnaire, qui divisent les Français de vieille souche, il ne les partage pas, n’ayant pu les ressentir comme eux.

Tels sont les éléments de sa popularité. Ils ont grandi pendant son absence. Personne ne s’étant présenté pour jouer le rôle de sauveur, Bonaparte, par son éloignement, s’est fait désirer. Comment, en outre, ne pas constater que la victoire, quand il n’est pas là, déserte le drapeau français ? Et comme c’est le régime qu’on rend responsable de tous les maux, c’est encore lui qu’on accuse d’avoir « déporté » en Égypte le général qui, dès lors, devient une victime et non plus seulement un héros.

Tous ces sentiments sont diffus à travers la na-