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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/184

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À LA MERCI D’UN COUP DE PISTOLET

criât à la dictature du sabre. Mais cet uniforme sera toujours sobre, sévère, avec quelque chose de dédaigneux et de menaçant pour les hommes à panaches et à dorures. Il tient à dire au Conseil d’État que ce n’est pas comme général qu’il gouverne. Mais il a d’abord, et, de son règne, ce ne sera pas la tâche la plus facile, à gouverner, parfois à mater les généraux. Il se fera l’idole du soldat, le dieu de l’officier de troupe, pour être plus sûr des grands chefs, naguère ses supérieurs ou ses égaux et sortis de la Révolution comme lui. Sans cette précaution et, le mot doit être répété, sans cette politique, qui est à peu près la seule qu’il ait eu besoin de faire à l’intérieur d’une manière continue, son règne ne fût pas venu ou bien il eût été encore plus bref.

Car, à chaque campagne, à chaque guerre, les conspirations de Marengo et de Rueil renaîtront, s’ébaucheront jusqu’au jour où les conspirateurs auront raison, où l’infidélité sera devenue de la prévoyance. Toute grande bataille exposera Bonaparte au double risque de Marengo, et il le sait. Alors quel est donc, à son retour triomphal d’Italie, l’intérêt majeur du premier Consul ? Sans aucun doute la paix. Cette fois, un prestige accru par une victoire inespérée lui confère vraiment le pouvoir. Pour qu’il s’y sente en sûreté, il faut qu’il soit à l’abri de ces accidents des champs de bataille qu’il connaît mieux qu’un autre et que l’inconstante fortune des armes entraîne toujours.

Napoléon pacifique, deux mots qui jurent d’être accouplés. Pourtant, la paix, renouvelée de Campo-Formio, est le grand résultat qu’il cherche. Elle donnera au Consulat ce rayonnement, cette splendeur qui traverseront le siècle, qui en feront une époque bénie, un bref âge d’or, un de ces moments comme il y en a quelques-uns dans notre histoire — Henri IV après les fureurs de la Ligue, Louis XIV après les désordres de la Fronde — où les peuples ont aimé le gouvernement qui leur per-