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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/221

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NAPOLÉON

le général Decaen chargé de reprendre possession des comptoirs de l’Inde. Et, le 13 de ce même mois, aux Tuileries, devant le corps diplomatique, il lance à l’ambassadeur Whitworth des apostrophes d’une violence fameuse, accusant l’Angleterre de manquer au respect, à la sainteté des traités, la menaçant, la foudroyant en paroles pour se radoucir, comme s’il voulait retenir encore la paix, puis s’emportant de nouveau comme s’il voyait que les ménagements sont inutiles.

Malte, en effet, n’était qu’un symbole. Et si la Méditerranée était en jeu, elle n’était que l’accessoire. La contestation essentielle, irréductible, portait toujours sur le même point, sur Anvers. Elle portera, jusqu’à la fin, sur l’annexion de 1795. Bonaparte avait pu l’oublier, s’étourdir pendant quelques mois. Il le savait pourtant, l’avait compris mieux que personne en France : « L’Angleterre nous fera la guerre tant que nous conserverons la Belgique », dira-t-il en 1805 devant Molé. Déjà, vers la fin de l’année 1800, causant avec Rœderer et Devaisnes, il leur avait dit que l’Angleterre ne pouvait pas vouloir la paix. Pourquoi ? Parce que, répondait‑il, nous possédons trop de choses. Parce que nous avons la Belgique et la rive gauche du Rhin et que nous devons les garder, « chose arrêtée irrévocablement et pour laquelle il est déclaré à la Prusse, à la Russie, à l’Empereur, que nous ferions, s’il était nécessaire, la guerre seul contre tous ». Admirable clairvoyance, presque une prophétie. Déduit d’un passé qui enchaîne, dessiné ligne à ligne, l’avenir est là.

L’emblème du Consulat était un lion endormi. Pour un repos si court ! Au mois de juillet 1803, quand la rupture avec l’Angleterre est accomplie, et six semaines après cette rupture, le premier Consul fait en Belgique une tournée imposante, comme pour rappeler aux Français que, s’ils vont se battre, c’est encore pour cette terre, pour les