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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/294

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L’ÉPÉE DE FRÉDÉRIC

Prussiens avaient élevé au lieu de la défaite de Soubise. Effet bien calculé pour Paris, où toute guerre nouvelle cause les mêmes murmures, les mêmes alarmes, les mêmes calculs, où il faut toujours ranimer la confiance et soutenir le sentiment national. Nous nous représentons l’empereur, à distance, comme un héros qu’on ne discutait plus. Il y avait encore des hommes, et des hommes du métier militaire, aux yeux desquels il n’avait rien fait tant qu’il n’avait pas vaincu cette armée prussienne qui vivait sur sa réputation. Il y avait encore des opposants qui relevaient la tête dès que l’empereur était loin et que l’Empire se jouait sur les champs de bataille. Il y en avait même pour dire, après Iéna, qu’on commençait à être « blasé sur les miracles », parce que les miracles étaient toujours à recommencer. À ce moment, une chouannerie reparaissait dans l’Ouest, jusqu’en Normandie, et donnait des soucis à Fouché et à sa police, véritable « régente de l’Empire ». Mêler les noms de Valmy exalté et de Rosbach vengé à celui d’Iéna n’était pas du superflu. Le moral de la France avait besoin de ces toniques. Comme au moment d’Austerlitz, Fouché, dans ses rapports, insistait sur le désir de paix qui grandissait dans le pays. Il n’allait pas tarder à écrire : « Il est évident, pour celui qui observe attentivement les nuances de l’opinion, que l’empereur est plus ou moins béni de toutes les classes selon que son glaive est plus ou moins enfoncé dans le fourreau. » Oiseux conseils. Napoléon avait le droit de s’en impatienter. La paix, il la poursuit toujours, de plus en plus loin. Après Iéna, elle se dérobe encore.

Rarement vit-on victoire plus éclatante et vainqueur ballotté de plus d’incertitudes. Cinq jours après Iéna, les Français sont sur l’Elbe, l’ennemi en déroute, pourchassé jusqu’aux portes de Magdebourg. Si Napoléon refuse une suspension d’armes prématurée qui donnerait seulement aux Russes le