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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/311

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NAPOLÉON

Son but est de se réconcilier avec la Russie. Il y pense depuis la mort de Paul Ier. Il y pensait en ménageant Alexandre après Austerlitz. C’est l’idée qui occupe son esprit pendant ce long séjour de Pologne où il se montre capable de tant de patience. Entre Eylau et Friedland, entre les deux batailles, il n’est pas de soin, de précaution qu’il ne prenne pour apparaître comme la victime des coalitions que fomente l’Angleterre et pour éviter le rôle de provocateur. L’Autriche manifeste l’intention d’intervenir pour la paix générale. Napoléon se garde de repousser l’idée d’un congrès afin de « ne pas donner de prétextes ». Et même il s’empresse : « Je désire beaucoup lier mon système avec celui de la Maison d’Autriche. » Il garde en réserve l’alliance autrichienne si l’alliance russe vient à manquer, de même que, le mariage russe manquant, il aura en réserve le mariage autrichien.

Il est vrai qu’il doit toujours se méfier, que l’agression de la Prusse a été une leçon, qu’il ne peut sans imprudence se dessaisir des gages qu’il a pris à cet État. Mais il est fort de tant de regrets d’avoir dû châtier et qu’il a exprimés à Frédéric-Guillaume. Est‑ce sa faute si ce roi s’obstine à lier sa cause à celle du tsar avec lequel, d’ailleurs, l’empereur ne demande qu’à traiter ? La Suède, qui a fait dans la coalition une entrée épisodique, propose un armistice. Napoléon saisit cette occasion de reprendre le thème qui a déjà servi avec les Prussiens. Pourquoi cette guerre ? À quoi bon s’entretuer quand les Français et les Suédois ont tant d’estime réciproque, tant de raisons d’être amis ?

Ainsi Napoléon se trouve en excellente posture pour tendre la main à Alexandre, recommandant surtout à Paris de « ne pas parler de l’indépendance de la Pologne » et de « supprimer tout ce qui tend à montrer l’empereur comme le libérateur ». Tout aura été préparé de loin, même la bataille, et il ne faut plus qu’une chose pour le coup de théâtre qui