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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/397

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NAPOLÉON

tèrent l’impératrice dans son appartement. Ayant fait un faux pas en descendant l’étroit escalier et s’étant raidi pour ne pas laisser échapper son fardeau, M. de Bausset eut la surprise d’entendre Joséphine qui lui disait tout bas : « Prenez garde, monsieur, vous me serrez trop fort. » Comme elle savait son métier de femme ! Que cet évanouissement était bien joué, aussi bien que la scène des pleurs derrière la porte fermée, rue Chantereine, et que la confession à Pie VII la veille du couronnement ! Le 15 décembre, à l’assemblée de famille devant laquelle les deux époux annoncent leur séparation par accord mutuel, elle s’arrête avec un art parfait au milieu de sa lecture, étouffée par les sanglots. Non que les larmes ne fussent naturelles. Après tant de luttes pour garder son mari, elle avait le droit d’être à bout de nerfs. Non qu’il faille exclure chez elle la sensibilité, les regrets et même l’humiliation de ce qui était une déchéance, pas plus que chez lui les souvenirs de sa jeunesse et de son ancien amour. Non que Joséphine espère non plus ébranler la résolution de son « petit Bonaparte ». Du moins pouvait-elle l’attendrir. Il fallait assurer l’avenir de ses enfants, sa situation de souveraine répudiée. Elle excella à mettre de son côté les sympathies, devant le public et devant l’histoire. Et c’était Napoléon, gauche, ému, contraint, qui avait la moins bonne contenance, tellement, dans la politique de la vie, la femme est supérieure à l’homme, si extraordinaire soit‑il. De la Malmaison, qui lui restait pour domaine, avec des honneurs royaux, Joséphine continuerait à être adroite, à servir. Ses goûts d’ancien régime la portent vers l’Autriche. Elle est avec Mme de Metternich en grande amitié. Et l’épouse séparée, se rendant encore utile, aidera au mariage autrichien.

Ce n’est pas celui qu’eût préféré Napoléon, mais c’est à celui-là qu’il songe en seconde ligne. L’idée qu’il médite depuis deux ans, c’est d’achever l’ou-