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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/398

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LE GENDRE DES CÉSARS

vrage de Tilsit, de resserrer l’alliance russe en épousant une sœur du tsar. Cependant un échec retentirait sur l’alliance elle-même, et rien n’est plus scabreux que la demande. À Erfurt, dans un épanchement qui effaçait beaucoup d’aigreurs, les deux empereurs avaient fait allusion à la chose, évitant l’un et l’autre de se compromettre. Napoléon craignait un refus. Alexandre craignait à la fois de le blesser et de s’engager lui-même. On était resté dans le vague. Du reste, Napoléon était encore marié et il fallait d’abord que le divorce eût lieu. Ensuite Alexandre se retranchait derrière sa mère, à qui le gouvernement de la famille appartenait. À ce moment, la grande-duchesse Catherine était d’âge. Celle-là, on s’était hâté de lui trouver un parti et de la marier à un Oldenburg, comme pour échapper à une demande en règle de l’empereur des Français. Ce n’était pas un bon signe des dispositions de la cour de Russie. Il ne restait plus que la grande‑duchesse Anne, encore enfant. Tout avait été remis à plus tard.

Maintenant, Napoléon ne peut plus attendre. En se séparant de Joséphine, il indique assez son intention. Le mariage de l’empereur, on ne parle pas d’autre chose en Europe et, si Alexandre le veut, il peut devenir le beau‑frère de celui qu’il appelle encore son allié. La petite Anne est sur le point d’avoir ses quinze ans, et, quoique la différence des âges soit forte, pour un mariage politique elle n’a rien de monstrueux. Pourvu que la future impératrice soit capable d’avoir des enfants, peu importe qu’elle soit belle ou laide et une enquête discrètement menée par l’ambassadeur Caulaincourt a fait savoir que la grande-duchesse Anne était bien faite et formée. Il n’est pas douteux que ce mariage est celui que désire Napoléon. L’alliance russe, l’union « invariable » avec le tsar, reste, malgré toutes les atteintes portées à sa confiance, l’élément fixe de sa politique. L’alliance, il est même nécessaire de la confir-