Aller au contenu

Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
NAPOLÉON

mer devant la France et devant l’Europe à qui les infidélités de la Russie pendant la campagne d’Autriche n’ont pas échappé. Le rêve de Napoléon, c’est qu’Alexandre vienne lui‑même à Paris, conduisant sa sœur, pour le « mariage de Charlemagne et d’Irène ». Alors, ce serait mieux qu’à Tilsit, mieux qu’à Erfurt, « l’alliance de cent millions d’hommes attestée ». Et rien ne coûte pour un si grand résultat. Caulaincourt est chargé de dire qu’« on n’attache aucune importance aux conditions, même à celle de la religion ». La future impératrice pourra garder la sienne. Une seule chose importe : « Partez du principe que ce sont des enfants qu’on veut. » La grande-duchesse est-elle capable d’en avoir ? Du moment qu’on le pense, rien, pour Napoléon, ne fait objection ni problème. La cour de Russie, l’ambassadeur Kourakine sont comblés d’égards. À Pétersbourg, un emprunt est souhaité, ce qui est assez dans les habitudes du pays. L’emprunt est accordé d’avance. Enfin il y a l’obstacle polonais. Le message du 13 décembre au Corps législatif déclare que « l’empereur n’a jamais eu en vue le rétablissement de la Pologne ». Et Caulaincourt se conforme à l’esprit de ses instructions lorsque, le 4 janvier suivant, il signe le nouveau traité avec la Russie, dont un article porte que le « royaume de Pologne ne sera jamais rétabli ». C’est ainsi qu’Alexandre conçoit l’amitié et la met en pratique. Il en tire tout ce qu’il peut, donne le moins possible, en tout cas ne donne pas sa sœur.

Caulaincourt, nouvellement duc de Vicence, devait mener sur place la négociation du mariage avec assez d’adresse pour épargner à l’empereur des Français la honte d’être éconduit. Le peu d’empressement d’Alexandre, son éternelle excuse que tout dépendait de sa mère, les lenteurs, les questions de la vieille impératrice, veuve de Paul Ier, notoirement hostile au Corse, à l’usurpateur, faisaient traîner les choses et douter que la cour de Russie y mît de la