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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/514

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LES BOTTES DE 1793

Mais, le 20 mars, Augereau tourne le dos, évacue Lyon à l’approche d’un corps autrichien et se retire sur Valence. L’armée du sud, sur laquelle l’empereur comptait pour une diversion de flanc, devient inutile. Il y a eu la défection du duc de Castiglione avant celle du duc de Raguse.

Cependant les Alliés hésitaient encore et le dénouement traînait. Il fallut, pour l’amener, l’intervention d’un homme, d’une pensée, d’une haine clairvoyante, et la destinée devait faire que cette haine fût corse, qu’une vendetta de l’île se mêlât à cette grande histoire. Si forts qu’ils se sentissent, les Alliés gardaient une sorte de crainte respectueuse en face de Napoléon, devant les Français qui les avaient si souvent battus. Ils n’avançaient qu’avec prudence et circonspection. Le Paris de la Révolution leur faisait peur. Il y eut quelqu’un à leur quartier général pour prêcher sans relâche, plus hardiment que tout autre, qu’il fallait marcher droit sur Paris et qu’alors tout serait fini, tout tomberait. Cet homme s’appelait Pozzo di Borgo. Il avait un vieux compte à régler avec ce petit Bonaparte dont il disait déjà, vingt ans plus tôt, ce que les Alliés répétaient dans leurs proclamations : « Napoléon Bonaparte est cause de tout. » Aux troubles d’Ajaccio, Pozzo avait été du côté de Paoli. Il avait chassé de Corse Napoléon et sa famille, avant d’en être chassé lui‑même avec les Anglais, sa tête mise à prix. Passé au service de la Russie, « le plus comme il faut des aventuriers ». Pozzo était illuminé par l’esprit de vengeance. L’idée qu’il ne cessait de souffler à Alexandre, et par lui aux autres souverains encore hésitants, était mortelle pour son ennemi. Il faut que la Corse si lointaine, si oubliée, vienne avec ses clans, ses querelles, ses haines, chercher et retrouver Napoléon, qui, entre l’Aisne et la Marne, commence lui‑même à n’être plus qu’un chef de partisans, à tenir le maquis en Champagne pour la Révolution conqué-