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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/515

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NAPOLÉON

rante et guerrière dont il a reçu le testament, et déjà tout près de retourner à l’aventurier, comme aux temps d’Ajaccio.

La marche hardie et décisive de l’ennemi sur la capitale laissa Napoléon dans une perplexité mortelle. Que faire ? « Il s’abîme dans ses pensées. » Il songe à répondre par une plus grande audace. Laissant aux Alliés Paris qui leur résistera peut-être, il leur coupera la retraite et, s’aidant des ressources que lui offre l’Est patriote, il leur fera une guerre meurtrière, les acculera à la capitulation qu’il a cru deux fois obtenir. C’eût été la guerre à outrance, l’idée de Gambetta en 1870. Même si Paris est pris, les Alliés ne peuvent‑ils y trouver leur tombeau comme il a trouvé le sien à Moscou ? C’est une « extrémité » et il fait « tous ses efforts pour se familiariser avec les résolutions qu’elle comporte », car ce serait s’engager sans retour, jouer le tout pour le tout, ne plus être qu’un hors-la-loi s’il arrivait que sa déchéance fût prononcée pendant qu’il battrait la campagne, et c’est bien ce qui le menace depuis que les Alliés ont conclu ce pacte de Chaumont, le même que celui au nom duquel, l’an d’après, ils lui courront sus. Et puis, pour tenter cette partie suprême, il faudrait qu’il sentît autour de lui des dévouements et les généraux ont, encore moins que l’empereur, le goût de tout risquer et de passer à l’état de chouans impériaux. Le 23 mars, après la rupture de la conférence de Châtillon, lorsque Caulaincourt arrive à Saint-Dizier, le mécontentement de l’état-major éclate. À côté de la salle où Napoléon s’est enfermé, on demande tout haut, dans une explosion de fureur, où il va, ce qu’on deviendra, s’il faudra tomber avec lui, s’il n’est pas fou. Il fait celui qui n’entend pas, mais il réfléchit, il hésite, il est prêt, pour obtenir la paix, à renoncer même à la rive gauche du Rhin, lorsque, le 28 mars, le hasard fait tomber entre ses mains un prisonnier de marque,