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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/539

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NAPOLÉON

se faisait libéral malgré lui, par force ; n’importe il se mutilait. Tiraillé d’un côté par ces exigences, de l’autre par sa nature et ses habitudes, il était affaibli, il n’était plus lui-même ». Sait-on seulement quel titre lui donner ? L’intitulé de ses décrets hésite entre « Napoléon empereur des Français » et « Napoléon, par la grâce de Dieu et les Constitutions, empereur ». Quelquefois revient « roi d’Italie ».

L’empire qui recommence, est‑ce l’ancien ? Est‑ce un régime nouveau ? Napoléon est‑il encore l’autocrate d’autrefois, souverain légitime sacré par l’Église ? Est‑il monarque constitutionnel ou, moins que cela, « premier représentant du peuple », ou dictateur jacobin ?

Il hésite. Il s’est engagé plus qu’il ne l’eût voulu par ses proclamations, par ses promesses aux paysans du Dauphiné et aux ouvriers de Lyon, par la démagogie qu’il a dû faire et qui a permis son prodigieux retour, un réveil disait naïvement Carnot, des idées qui avaient éclairé les premiers jours de la Révolution française. Le risque maintenant, c’est d’être l’empereur de la canaille, roi d’une jacquerie, d’effrayer les bourgeois, les conservateurs, alors que l’Ouest et le Midi royalistes se soulèvent déjà. À Paris, le peuple qui l’acclame, qui l’oblige à paraître aux fenêtres et à saluer, c’est celui des bonnets rouges et des piques. Napoléon va au faubourg Saint-Antoine et la foule l’accompagne jusqu’à l’Élysée en menaçant les hôtels du faubourg Saint-Germain. La revue des Fédérés rappelle trop les journées de la Révolution. Ce sont des choses que Napoléon n’aime pas, dont il est inquiet et troublé.

Il s’est trop avancé pour renier ses paroles et ne pas donner une Constitution aux Français. Les temps du pouvoir absolu sont passés. Bonaparte se trouve dans la même situation que, l’année d’avant, Louis XVIII. Il l’imite sans même s’en douter. Comme lui, il prétend que son règne continue, et comme lui, sous le nom d’Acte additionnel aux cons-