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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/555

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NAPOLÉON

vertes de boue. Mais lorsque Gourgaud lui disait que son apparition eût retourné, électrisé les représentants, il répondait sans déguiser : « Ah ! mon cher, j’étais battu, je n’avais rien à espérer. » À la vérité, il jugeait sa situation avec une netteté accablante et qui le dégoûtait de tout. Ce n’est plus l’homme qui, à peine rentré, fût‑ce de Moscou, prenait les affaires en main. Il s’attarde dans sa baignoire, fait attendre ses ministres, tient enfin un Conseil qui délibère sans rien décider, où il se grise lui-même de paroles, laissant passer les heures, tandis que la Chambre des Représentants se réunit et, sur la proposition de La Fayette, se déclare en permanence, ajoutant que quiconque tenterait de la dissoudre serait coupable de haute trahison. Napoléon est renversé par La Fayette, qui l’abat avec une motion et un discours.

C’est la revanche de Saint‑Cloud, et quand Lucien veut répéter la scène de l’Orangerie, gagner l’Assemblée à la cause de son frère, il s’aperçoit que ces journées ne se recommencent pas. Il conseillait à Napoléon d’en appeler au peuple, de recourir à la force, de briser les représentants. « Osez » lui disait-il. Et l’empereur répondait : « Je n’ai que trop osé. » Seul le président du 18 brumaire se retrouvait. « Le général n’y était plus. » Ou plutôt il était tel qu’après sa défaillance, lorsqu’il était sorti, éperdu, de la salle des Cinq-Cents, tel qu’on l’eût vu ce jour-là sans les grenadiers, Murat, le gros Gardanne, Sieyès qui l’encourageait et les circonstances qui étaient propices. Après la défaite de Waterloo, Napoléon subissait une défaite parlementaire. Il confiera à Gourgaud que l’action des Chambres l’avait surpris, que tout se fût passé autrement, pour peu que sept ou huit députés eussent été pendus et Fouché avant eux. Il n’y avait même pas pensé. Pour le Mémorial, il voudra s’être retiré en monarque ami de la liberté, qui a répugné au sang, aux exécutions, à la guerre civile. À la vérité, toujours timide pour punir,