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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/154

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cessent que quand on se réveille. On ne savait pas trop autrefois, et encore au quinzième siècle, ce que c’était que le cauchemar, qu’on appelait aussi alors chauche-poulet. On en fit un monstre ; c’était un moyen prompt de résoudre la difficulté. Les uns imaginaient dans cet accident une sorcière ou un spectre qui pressait le ventre des gens endormis, leur dérobait la parole et la respiration, et les empêchait de crier et de s’éveiller pour demander du secours ; les autres, un démon qui étouffait les gens. Les médecins n’y voyaient guère plus clair. On ne savait d’autre remède pour se garantir du cauchemar que de suspendre une pierre creuse dans l’écurie de sa maison ; et Delrio, embarrassé, crut décider la question en disant que Cauchemar était un suppôt de Belzébuth ; il l’appelle ailleurs incubas morbus.

Dans les guerres de la république française en Italie, on caserna en une église profanée un de nos régiments. Les paysans avaient averti les soldats que la nuit on se sentait presque suffoqué dans ce lieu-là, et que l’on voyait passer un gros chien sur sa poitrine. Les soldats en riaient ; ils se couchèrent après mille plaisanteries. Minuit arrive, tous se sentent oppressés, ne respirent plus et voient, chacun sur son estomac, un chien noir qui disparut enlin, et leur laissa reprendre leurs sens. Ils rapportèrent le fait à leurs officiers, qui vinrent y coucher eux-mêmes la nuit suivante, et furent tourmentés du même fantôme. — Comment expliquer ce fait ? — « Mangez peu, tenez-vous le


ventre libre, ne couchez point sur le dos, et votre cauchemar vous quittera sans grimoire, » dit M. Salgues[1]. Il est certain que dans les pays où l’on ne soupe plus, on a moins de cauchemars.

Bodin conte[2] qu’au pays de Valois, en Picardie, il y avait de son temps une sorte de sorciers et de sorcières qu’on appelait cauchemares, qu’on ne pouvait chasser qu’à force de prières.

Cauchon (Pierre), évêque intrus de Beauvais au quinzième siècle, poursuivit Jeanne d’Arc comme sorcière et la fit brûler à Rouen. Il mourut subitement en 1443. Le pape Calixte III excommunia après sa mort ce prélat déshonoré, dont le corps fut déterré et jeté à la voirie. Ce qui est assez curieux, c’est que son nom a été donné depuis à l’animal immonde qu’on n’appelait auparavant que porc ou pourceau.

Causathan, démon ou mauvais génie que Porphyre se vantait d’avoir chassé d’un bain public.

Causimomancie, divination par le feu, employée chez les anciens mages. C’était un heureux présage quand les objets combustibles jetés dans le feu venaient à n’y pas brûler.

Cautzer, fleuve du huitième ciel dans le paradis de Mahomet. Son cours est d’un mois de chemin ; ses rivages d’or ; son lit, odoriférant comme le musc, est semé de rubis et de perles ; son eau douce comme le lait ; son écume brillante comme les étoiles. Qui en boit une fois n’a plus jamais soif.

Cayet (Pierre-Victor-Palma), savant écrivain tourangeau du seizième siècle. Outre la Chronologie novennaire et la Chronologie septennaire, il a laissé l’Histoire prodigieuse et lamentable du docteur Faust, grand magicien, traduite de l’allemand en français. Paris, 1603, in-12 ; et l’Histoire véritable comment l’âme de l’empereur Trajan a été délivrée des tourments de l’enfer par les prières de saint Grégoire le Grand, traduite du latin d’Alphonse Chacon ; in-8o, rare. Paris, 1607.

Cayet rechercha la pierre philosophale, qu’il n’eut pas le talent de trouver ; on débita aussi qu’il était magicien ; mais on peut voir qu’il ne pensait guère à se mêler de magie, dans l’épître dédicatoire qu’il a mise en tête de l’histoire de Faust. Ce sont les huguenots, dont il avait abandonné le parti, qui l’accusèrent d’avoir fait pacte avec le diable, pour qu’il lui apprît les langues. C’était alors une grande injure ; Cayet s’en vengea vivement dans un livre où il défendit contre eux la doctrine du purgatoire[3].

Caym, démon de classe supérieure, grand président aux enfers ; il se montre habituellement sous la figure d’un merle. Lorsqu’il paraît en forme humaine, il répond du milieu d’un brasier ardent ; il porte à la main un sabre effilé. C’est, dit-on, le plus habile sophiste de l’enfer ; et il peut, par l’astuce de ses arguments, désespérer le logicien le plus aguerri. C’est avec

  1. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. I, p, 332.
  2. Dèmonomanie des sorciers, liv. II, ch. vii.
  3. La fournaise ardente et le four du réverbère pour évaporer les prétendues eaux de Siloé, et pour corroborer le purgatoire contre les hérésies, calomnies, faussetés et cavillations ineptes du prétendu ministre Dumoulin. Paris, 1603, in-8o. Dumoulin venait de publier les Eaux de Siloé, pour éteindre le feu du purgatoire, contre les raisons d’un cordelier portugais. In-8°, 1603.