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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/282

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deux visages à la tête, comme Janus. Delancre rapporte que, dans les procédures de la Tournelle, on l’a représenté en grand lévrier noir, et parfois ressemblant à un bœuf d’airain couché à terre. Il prend encore la forme d’un dragon, ou bien c’est un gueux qui porte les livrées de la misère, dit Leloyer. D’autres fois il abuse de la figure des prophètes ; et, du temps de Théodose, il prit celle de Moïse pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer à pied sec[1]. Le commentateur de Thomas Valsingham rapporte que le diable sortit du corps d’un diacre schismatique sous la figure d’un âne, et qu’un ivrogne du comté de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin déguisé en grenouille. Leloyer cite quelque part un démon qui se montra à Laon sous la figure d’une mouche ordinaire. Ces métamorphoses diverses que se donnent les démons pour se faire voir aux hommes sont multipliées à l’infini. Quand ils apparaissent avec un corps d’homme, on les reconnaît à leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs griffes et à leurs cornes, qu’ils peuvent bien cacher en partie, mais qu’ils ne déposent jamais entièrement.

Cœsarius d’Heisterbach ajoute à ce signalement qu’en prenant la forme humaine, le diable n’a ni dos ni derrière, de sorte qu’il se garde de montrer ses talons. (Miracul. lib. III.) Les Européens représentent ordinairement le diable avec un teint noir et brûlé ; les nègres au contraire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un officier français se trouvant au dix-septième siècle dans le royaume d’Ardra, en Afrique, alla faire une visite au chef des prêtres du pays. Il aperçut dans la chambre du pontife une grande poupée blanche et demanda ce qu’elle représentait. On lui répondit que c’était le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Français, le diable est noir. — C’est vous qui êtes dans l’erreur, répliqua le vieux prêtre ; vous ne pouvez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tous les jours, et je vous assure qu’il est blanc comme vous[2]. Voy. à leurs articles particuliers les principaux démons. Voy. aussi Formes.

Fil de la Vierge. Les bonnes gens croient que ces flocons blancs cotonneux qui nagent dans l’atmosphère et descendent du ciel sont des présents que la sainte Vierge nous fait, et que c’est de sa quenouille céleste qu’elle les détache. Ils annoncent le beau temps. Le physicien Lamarck prétend que ce ne sont pas des toiles d’araignées ni d’autres insectes fileurs, mais des filaments atmosphériques qui se remarquent dans les jours qui n’ont pas offert de brouillard. Selon le résultat des observations de ce savant, le fil de la Vierge n’est qu’un résidu des brouillards dissipés, et en quelque sorte réduits et condensés par l’action des rayons solaires, « de sorte qu’il ne nous faudrait qu’une certaine suite de beaux soleils et de brouillards secs pour approvisionner nos manufactures et nous fournir un coton tout filé, beaucoup plus beau que celui que nous tirons des pays chauds[3]. »

Filiat-Chout-Chi, dieu des Kamtschadales, père de Touita.

Filles du diable. Voy. Mariage du diable.

Fin du monde. Hérodote a prédit que le monde durerait 10, 800 ans ; Dion, qu’il durerait 13, 984 ans ; Orphée, 120, 000 ; Cassander, 1, 800, 000. Il serait peut-être mieux de croire à ces gens-là, dont les prédictions ne sont pas encore démenties, qu’à une foule de prophètes, maintenant réputés sots dans les annales astrologiques. Tels furent Aristarque, qui prédisait la débâcle générale du genre humain en l’an du monde 3384 ; Darétès en l’an 5552 ; Arnauld de Villeneuve, en l’an de Notre-Seigneur 1395 ; Jean Hilten, Allemand, en 1651. L’Anglais Wistons, explicateur de l’Apocalypse, qu’il voulait éclaircir par la géométrie et l’algèbre, avait conclu, après bien des supputations, que le jugement dernier aurait lieu en 1715, ou au plus tard en 1716. On nous a donné depuis bien d’autres frayeurs. Le 18 juillet 1816 devait être le dernier jour. M. de Krudener l’avait remis à 1819, M. de Libenstein à 1823, M. de Sallmard-Montfort à 1836, et d’autres prophètes, sans plus de succès, au 6 janvier 1840. Attendons ; mais si nous sommes sages, tenons-nous prêts.

Non loin d’Avignon et, village qui est auprès de Villefranche en Languedoc, est un petit monticule situé au milieu d’une des plus fertiles plaines de l’Europe ; au haut de ce monticule sont placées les pierres de Naurause, c’est-à-dire deux énormes blocs de granit qui doivent avoir été transportés là du temps des druides. Or, il faut que vous sachiez (tous les gens du pays vous le diront) que quand ces deux pierres viendront à se baiser, ce sera le signal de la fin du monde. Les vieilles gens disent que depuis un siècle elles se sont tellement rapprochées qu’un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, tandis qu’il y a cent ans un homme à cheval y passait sans difficulté. Voy. Bernard de Thuringe, Felgenhaver, Éclipses, etc.

Finnes. On lit dans Albert Krantz[4] que les Finnes ou Finlandais sont sorciers, qu’ils ont le pouvoir de connaître l’avenir et les choses cachées ; qu’ils tombent en extase ; que, dans cet état, ils font de longs voyages sans que leur corps se déplacent qu’à leur réveil ils racontent ce qu’ils ont vu, apportant en témoignage de la

  1. Socrate, Hist. eccl, liv. VII, ch. xxviii.
  2. Anecdotes africaines de la côte des Esclaves, p. 57.
  3. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. III, p. 484.
  4. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. IV, p. 450.