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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/146

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Ostyn demanda, à propos du second alinéa, que l’on définît exactement ce qu’il fallait entendre par travailleur.

Claris répondit à Bert que le changement proposé, au sixième alinéa, lui paraissait justifié ; et à Ostyn, que l’article 2 du projet de statuts (reproduisant l’ancien article 8) disait : « Quiconque adopte et défend les principes de l’Association peut en être reçu membre », en sorte que la définition demandée était inutile.

Dave dit que la dénomination de travailleurs comprenait à la fois les ouvriers manuels et ceux qu’on a appelés les « travailleurs de la pensée », ajoutant : « Il me paraît conforme à la justice et à la raison d’entendre, sous la désignation de travailleurs, tous ceux qui vivent du produit de leur travail, sans établir des distinctions qui ne serviraient qu’à diviser les forces du socialisme ».

Une discussion s’engagea sur le mot travailleurs, et deux courants opposés se dessinèrent. Perrare demanda qu’on examinât si les fondateurs de l’Internationale ne s’étaient pas trompés en y laissant entrer des gens qui, n’étant pas des ouvriers, y ont amené la division. Eccarius rappela que le mot workingman, employé dans le texte anglais, signifie « ouvrier manuel ». Hales dit que les fondateurs de l’Internationale étaient des ouvriers anglais et français, et que l’Association ne devait primitivement comprendre que des ouvriers ; mais qu’on avait eu le tort d’ouvrir la porte à des bourgeois, et que ceux-ci avaient amené les discussions qui nous ont divisés. Ostyn parla pour appuyer Hales. Dans l’autre sens parlèrent sept délégués : Dave fit remarquer que ce n’étaient pas les « travailleurs de la pensée » qui avaient amené dans l’Internationale des déchirements qui du reste allaient finir ; Viñas déclara qu’il reconnaissait à tout homme le droit de combattre dans les rangs de l’Internationale ; Van den Abeele dit : « Je ne comprendrais pas l’esprit d’exclusivisme qui voudrait fermer aux travailleurs de la pensée les portes de l’Internationale » ; Cyrille, Costa, Brousse, Montels parlèrent de la même façon, en disant que l’Internationale devait réunir dans son sein toutes les forces révolutionnaires. Sur la proposition du rapporteur, la suite du débat fut renvoyée au moment où viendrait en discussion l’article 2.

Les considérants furent ensuite adoptés tels quels, avec cet amendement au projet de la Commission, que les mots « de l’Europe » seraient supprimés purement et simplement, et non pas remplacés par les mots « du monde entier ».

Dans la seconde partie du préambule des statuts, Alerini proposa la suppression des mots « la morale » ; il y a, dit-il, beaucoup de morales différentes, et ce terme ne peut pas être défini d’une manière scientifique. Costa se joignit à Alerini, ajoutant qu’en tout cas, pour donner au mot un sens clair, il faudrait dire « la morale révolutionnaire ». Le rapporteur répondit que ces objections lui semblaient être du domaine de la métaphysique, et qu’elles ne tenaient pas compte de la réalité des choses : « Qu’on veuille bien réfléchir que les statuts de l’Internationale s’adressent à des ouvriers ; que, pour ceux-ci, les subtilités philosophiques n’existent pas, et qu’il faut, pour être bien compris d’eux, employer tout simplement les expressions les plus ordinaires. Soyez tranquilles, l’ouvrier ne fera pas erreur sur le sens du mot morale ; il sait parfaitement que la morale dont il s’agit n’est ni celle des prêtres, ni celle des bourgeois. » Perrare dit que si on voulait retrancher le mot morale sous prétexte que le sens en est mal défini, il faudrait aussi retrancher le mot de justice, auquel on peut faire la même objection. Brousse déclara que les mots de morale et de justice lui paraissaient faire double emploi. Après une observation de Hales, qui dit : « Il est certain que la bourgeoisie entend les mots de vérité, de morale et de justice autrement que nous ; il n’y a donc pas de raisons pour mettre en cause l’un de ces mots plutôt que les deux autres », il fut décidé de ne rien changer, et la seconde partie du préambule, complétée par un alinéa nouveau indiquant que le Congrès de 1873 avait revisé les statuts, fut adoptée. La suite du débat fut renvoyée au lendemain.


Dans la huitième séance, privée, le jeudi matin 4 septembre, continua et se termina la discussion sur la grève générale.