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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/494

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lemand une lettre de rectification ; ils se plaignaient que la rédaction du Vorwärts eût emprunté ses renseignements aux organes du gouvernement russe, et la priaient d’insérer un récit exact des faits, qu’ils lui envoyaient. Le Vorwärts publia le récit, mais en ajoutant « qu’il persistait dans sa première appréciation ».


Dans son numéro du 12 novembre, le Bulletin publia l’entrefilet suivant au sujet de Gambetta :

« Dans le discours qu’il a récemment prononcé à Belleville, en une réunion privée, Gambetta a dit que la Commune était un crime. Ce qui n’a pas empêché ce charlatan d’aller, trois jours après, à l’enterrement de la sœur de Delescluze, du plus criminel parmi les hommes de la Commune... Est-ce que tous les moyens ne sont pas bons pour se faire de la popularité ? Le discours de Belleville était destiné aux oreilles de la bourgeoisie ; mais comme il y a des électeurs ouvriers et socialistes, qu’il faut amadouer aussi, on trouve habile de se faire passer à leurs yeux pour un admirateur de Delescluze. Et les majorités qui vont à l’urne électorale sont si bêtes, que ces trucs grossiers réussissent toujours. »

Notre correspondant de Paris nous envoyait des détails sur la misère qui régnait dans cette ville par suite du chômage croissant : « Les politiqueurs parlent avec épouvante de la guerre qui va peut-être éclater en Orient, et de la possibilité de voir la Russie s’établir sur le Bosphore et fermer ainsi à l’industrie de l’Occident d’importants débouchés, — comme s’il était indispensable à la prospérité de la France de transporter au loin ses produits, pour les faire consommer en Asie, tandis que dans Paris seul plus de quatre cent mille bouches réclament une consommation qu’on leur refuse, et offrent huit cent mille bras pour reproduire l’équivalent des produits qu’ils auraient consommés ! »

Le même correspondant appréciait ainsi le caractère du mouvement ouvrier parisien : « Bien que le mouvement actuel des corporations ouvrières parisiennes n’en soit encore qu’à sa phase préparatoire, qu’il ne soit en quelque sorte qu’ébauché, et que beaucoup d’idées arriérées s’y mêlent aux aspirations socialistes, il y a cependant un fait que nous constatons avec plaisir : c’est que ce mouvement est anti-gouvernemental, anti-étatiste si l’on peut se permettre cette expression barbare. Le programme des corporations parisiennes est en cela précisément l’opposé du programme des ouvriers anglais ou allemands : tandis que ces derniers réclament l’intervention de l’État, et se posent pour idéal d’avenir un État populaire, un État-Providence qui prendrait en mains la gestion du travail social, les ouvriers parisiens repoussent le concours de l’État : ils ne veulent pas entendre parler d’une organisation du travail qui aboutirait à ériger le gouvernement en patron ou en capitaliste commanditaire des associations ouvrières. L’organe le plus répandu des sociétés ouvrières de Paris, la Tribune, s’exprime à ce sujet de la façon la plus catégorique dans son numéro du 6 décembre...

« Qu’on remarque bien une chose. Du temps de l’empire, lorsque les internationaux déclaraient qu’ils ne voulaient rien avoir à faire avec l’État, il pouvait rester quelque place à un malentendu, à une interprétation erronée : on pouvait prétendre que ce qu’ils repoussaient, ce n’était pas l’État en lui-même, mais seulement l’empire. Mais aujourd’hui les choses ont changé : l’empire n’est plus là, la France est en république démocratique, le peuple est souverain ; en s’adressant à l’État, les ouvriers ne mendieraient plus les faveurs d’un gouvernement usurpateur, ils réclameraient l’appui du gouvernement élu par le peuple lui-même. Et cependant les ouvriers témoignent autant de répugnance pour l’État-république que pour l’État-empire : ce qui signifie clairement qu’ils ne veulent pas du socialisme d’État, du socialisme autoritaire. »

Le 17 décembre, le Bulletin publia une lettre de Ferdinand Gambon signalant les mauvais traitements dont les détenus politiques étaient victimes dans la prison de Belle-Isle-en-Mer.