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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/495

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Dans le courant de décembre, le ministère Dufaure fit place à un ministère Jules Simon, dont le Bulletin salua l’avènement en ces termes : « Grande nouvelle ! Le ministre Dufaure, l’auteur de la loi contre l’Internationale, est renversé du pouvoir, et il est remplacé à la présidence du Conseil par un membre de l’Internationale ! Oui, par un membre de l’Internationale, reçu dans l’association en février 1865, sous le n° 606, ainsi que le constatent les registres du bureau de Paris. Voilà ce qui s’appelle un triomphe du socialisme, ou je ne m’y connais pas ! — Malheureusement, le n° 606 s’appelle Jules Simon, généralement connu dans le monde politique sous le nom de « Judas Sinon », un traître et un fourbe. Consolons-nous, ce n’est pas des ministres que le peuple ouvrier attend son salut. »


J’ai dit que Malon avait réussi à surprendre la bonne foi des rédacteurs du Mirabeau, et qu’il se servait de ce journal pour diriger des attaques contre les révolutionnaires de France et d’Italie. En décembre, il lit envoyer au Mirabeau, par son factotum le cuisinier Joseph Favre, je ne sais plus quel article où étaient pris à partie Pindy et Brousse. Le Bulletin publia à ce sujet les lignes suivantes (7 janvier 1877) : « Les délégués français au Congrès de Berne nous prient d’annoncer que les sections qu’ils ont représentées à ce Congrès datent de 1872, et ont déjà voté au Congrès général de 1873 d’une manière collective, comme Fédération française. Ceci en réponse à une ineptie signée Favre, qui a paru dans un numéro du Mirabeau. »


On a vu que notre correspondant de Belgique avait écrit au Bulletin, après le Congrès belge du 1er octobre, qu’il doutait qu’à Verviers on fût disposé à appuyer la pétition gantoise relative au travail des enfants dans les fabriques. En effet, quelques socialistes verviétois publièrent dans le courant d’octobre une brochure[1] où ils disaient que « la question telle qu’elle était posée dans la pétition en circulation ne changerait rien au sort du prolétariat, et que c’était une illusion que de demander des réformes à la bourgeoisie, attendu que celle-ci ne ferait jamais que ce qui lui serait imposé par la force[2] ». Toutefois, à une lettre de la fédération anversoise de l’Internationale demandant qu’un meeting fût tenu à Verviers pour discuter la question, et annonçant qu’elle y enverrait des délégués, le Conseil fédéral de la vallée de la Vesdre répondit en acceptant la proposition et en fixant le meeting au 26 novembre. Le meeting eut lieu, et réunit quelques centaines de travailleurs. Un délégué d’Anvers y fit un appel chaleureux aux ouvriers du bassin de la Vesdre, en déclarant que si la pétition, après qu’elle aurait obtenu l’adhésion des travailleurs wallons, était repoussée par la Chambre, les Flamands alors s’uniraient aux Wallons pour lutter par la force contre l’ennemi commun. « Je vous demande, dit-il, encore un dernier effort, la main dans la main, un dernier essai avant de nous lancer définitivement dans les voies violentes. » Ce langage, qui n’était pas dépourvu d’habileté, fut vigoureusement applaudi. Mais P. Bastin et G. Gérombou combattirent le pétitionnement ; et lorsque, après une longue discussion, ou passa au vote, 27 mains seulement se levèrent en faveur de la pétition, 4 se levèrent contre ; tout le reste des assistants s’abstint. « Les ouvriers du bassin de la Vesdre, écrivit Émile Piette dans une lettre que publia le Bulletin, sont restés ce qu’ils étaient et n’ont aucunement changé d’idée : socialistes et

  1. De Paepe avait mentionné cette brochure dans son rapport au Congrès de Berne (voir ci-dessus p. 98).
  2. Guillaume De Greef avait écrit le 26 septembre 1876 aux auteurs de la pétition : « S’il existait en Belgique une organisation ouvrière sérieuse, elle n’aurait pas besoin de pétitionner à la Chambre des représentants pour obtenir ce qu’elle serait en état d’exécuter sans l’intervention du bon plaisir d’une autorité quelconque ; elle n’aurait qu’à s’engager elle-même à ne plus envoyer ses enfants à l’atelier. La Chambre des représentants, qui représente la banque, la grande industrie et le trafic, ne cédera donc que si cela lui plaît. » (Lettre citée par Louis Bertrand dans l’Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique, 1907, t. II, p. 298.)