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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/696

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« Tout le lundi, les militaires et la police furent encore sur pied ; mais le public était moins nombreux, parce qu’il neigeait.

« Quand les deux journées se furent achevées sans aucun incident, les plus chauds partisans du gouvernement se mirent eux-mêmes à se moquer de lui. Les militaires étaient furieux qu’on les eût mis sur pied inutilement, et arrachés sans raison sérieuse à leurs occupations journalières (la plupart sont des petits commerçants). On raconte que, dans la nuit, les soldats se sont battus entre eux à la caserne : les uns avaient pris parti pour les communards, les autres pour le gouvernement.

« On dit encore bien des choses, mais je n’ai pas le temps de vérifier tous les bruits qui courent ni de vous en écrire davantage. — L. »

Voici comment l’Intelligenzblatt, journal réactionnaire de Berne, parla de ces bizarres événements :

« Ce qu’il y avait de comique dans la chose, c’est que chacun se montrait de la plus belle humeur. Les partisans des communards faisaient bonne mine à mauvais jeu : ils narguaient le gouvernement qui, disaient-ils, s’était laissé prendre à une énorme mystification, et s’égayaient aux dépens de « l’état de siège » ; les autres se réjouissaient sincèrement de voir que la paix n’avait pas été troublée.

« Quant aux miliciens de la landwehr, ils n’ont malheureusement pas fait une impression très favorable. La plupart de ces « braves guerriers » s’étaient grisés pour se donner du courage, et leur commandant a été obligé d’en mettre un très grand nombre à la salle de police. »


Il y eut des réunions commémoratives, soit le dimanche 17, soit le lundi 18, à Saint-Imier, à la Chaux-de-Fonds, à Zürich, à Fribourg, à Lausanne, à Genève, etc. Je me borne à donner, d’après le Bulletin, le compte-rendu de la réunion de la Chaux-de-Fonds, à laquelle j’assistai :

« Le Section internationale de la Chaux-de-Fonds, d’accord avec les ouvriers de langue allemande de l’Arbeiter-Union de cette ville, avait convoqué une réunion publique le dimanche 17 mars, à deux heures de l’après-midi, au restaurant Beau-Site, pour solenniser l’anniversaire de la Commune. Quelques amis des localités voisines s’étaient rendus à la Chaux-de-Fonds à cette occasion. La grande salle du restaurant Beau-Site, aux fenêtres de laquelle flottait le drapeau rouge, se trouva trop petite pour le nombreux public qui s’était rendu à la convocation. Une société de chant allemande ouvrit la séance en exécutant l’Arbeiter-Marseillaise ; puis des discours furent prononcés, en français et eu allemand, par Pindy, Kämpf, Adhémar Schwitzguébel, James Guillaume, Libeaux, Pabst, Auguste Spichiger. Un socialiste russe parla de l’influence exercée sur le mouvement socialiste en Russie par la Commune de Paris. Plusieurs hommes politiques appartenant aux partis adversaires étaient présents, mais aucun d’eux ne prit la parole, malgré les invitations réitérées du président.

« L’impression générale est que cette réunion publique a été l’une des mieux réussies qui aient été tenues depuis longtemps à la Chaux-de-Fonds. Le soir, une soirée familière a encore réuni les membres de l’Internationale et les ouvriers de langue allemande. »


Peu de temps après la mort de Bakounine, sur le désir exprimé par mes amis (voir p. 39), j’étais entré en correspondance avec sa veuve au sujet des manuscrits laissés par lui, et j’avais offert mes services pour la publication de ceux d’entre eux qu’il paraîtrait utile d’imprimer. Mme Bakounine avait conservé à l’égard de Cafiero et de Ross des sentiments d’animosité, et j’étais leur ami : aussi hésita-t-elle à acquiescer à ma demande. Elle finit toutefois par se décider à constituer un comité de quatre amis, qui s’occuperait avec moi de la publication projetée : ce comité comprenait Saverio Friscia, Elisée Reclus, Emilio Bellerio et Arthur Arnould. Vers la fin de 1876, je reçus, de Como où résidait à ce moment Mme Bakounine, une petite caisse contenant, m’écrivait-on, tous ceux des manuscrits et fragments de manuscrits qui n’avaient pas un caractère strictement personnel et confidentiel. J’examinai le contenu de la