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1. — Les préparatifs militaires.

Les forces autrichiennes et impériales étaient réparties en deux armées. La première, forte de 120 000 hommes, était placée sous le commandement de Kray, qui remplaçait, à sa tête, l’archiduc Charles. Divisée en quatre corps, sa mission était d’empêcher les Français d’envahir la Souabe entre Strasbourg et Schaffouse. La seconde, sous les ordres de Mélas, comptait 140 000 hommes. Elle devait balayer ce qui restait de notre armée d’Italie, passer le Var et envahir la Provence.

La France avait sur pied 110 000 hommes à l’armée du Rhin, 25 000 hommes à l’armée d’Italie. Le plan autrichien émanait du Conseil aulique. Le plan français est l’œuvre de Bonaparte. Dans ses Mémoires, il dit que son intention était de former une armée de réserve « de se rendre au mois de mai en Allemagne avec les deux armées réunies (armée du Rhin et armée de réserve), et de porter, d’un trait, la guerre sur l’Inn. On ne trouve dans ses actes et ses écrits de 1800 aucune trace de ce dessein. Au contraire, il ne voulut pas le suivre alors que Moreau, placé à la tête de l’armée du Rhin, le lui proposait[1]. La raison en est peut-être dans la rivalité qui existait entre ces deux chefs dont aucun ne voulait accepter d’être soumis à l’autre. Quoi qu’il en soit, voici ce que Bonaparte arrêta : Moreau avec ses 110 000 hommes, répartis en quatre corps, dont un commandé par Lecourbe, et fort de 30 000 hommes s’appelait corps de réserve, devait passer le Rhin entre Schaffouse et Constance, et « pousser l’ennemi en Bavière, de manière à lui intercepter la communication directe avec Milan par le lac de Constance et les Grisons[2]. » Masséna, avec ses 25 000 hommes, devait résister à tout prix à Mélas : « N’ayez point de ligne, lui écrit le premier consul, mais tenez toutes vos troupes réunies et groupées autour de Gênes[3] ». Tandis qu’aux deux extrémités Moreau et Masséna devaient ainsi tenir en échec Kray et Mélas, Bonaparte entrerait en Lombardie, et, prenant Mélas par derrière, l’écraserait.

C’est pour atteindre ce but qu’il décida la formation de ce qu’on appelle l’armée de réserve[4].

Cette troisième armée française, qui allait devenir la principale, fut composée avec des troupes prises un peu partout sur le territoire français : à Toulon, à Marseille, à Avignon, à Paris, à Rennes et l’on annonça avec beaucoup de bruit sa concentration à Dijon. En réalité, le rassemblement des troupes s’opérait en secret sur Genève, et c’est là l’application d’une tactique napoléonienne que l’on retrouve de 1800 à 1815, toujours employée : dans

  1. Lettres de Moreau à Bonaparte, 8 avril ; à Berthier, 24 avril.
  2. Plan de campagne pour l’armée du Rhin, 22 mars 1800.
  3. 12 mars 1800.
  4. Tous les documents concernant cette armée et ses opérations sont réunis dans l’ouvrage de Cugnac, Campagne de l’armée de réserve en 1800, 2 vol., 1901.