Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait dû rentrer à Toulon (15 février). Une tentative de Bruk ne fut pas plus heureuse[1]. Rien ne put retarder le dénoûment fatal : Belliard capitula le 27 juin 1801 ; Menou rendit Alexandrie le 30 août suivant. L’Égypte fut évacuée par l’armée française, infiniment réduite, et ramenée en France avec les honneurs de la guerre.

§ 2. — La défense de Bonaparte.

On se rappelle que le ressentiment du tsar Paul I à la suite de la bataille de Zurich l’avait déterminé à abandonner la lutte effective contre les armées françaises. Lorsque les Anglais se furent emparés de Malte, il estima qu’ils agissaient en violation du droit des gens et se trouva au surplus personnellement blessé : Malte devait être remis aux chevaliers de l’ordre dont il avait accepté d’être le grand-maître. Il reprit dès lors une idée réalisée en 1780, pendant la guerre d’indépendance de l’Amérique, et forma la ligue des neutres destinée à résister contre la suprématie maritime de l’Angleterre. Le 16 décembre 1800, le Danemark et la Suède y accédèrent ; le 18 décembre, la Prusse y entra à son tour. Les Anglais, sans tarder, capturèrent les navires neutres qu’ils purent rencontrer, et se dirigèrent sur les colonies danoises ; mais, par représailles, le Danemark occupa Hambourg et ferma l’Elbe au commerce britannique, tandis que la Prusse prenait le Hanovre.

Bonaparte était donc tout à coup secouru par un ennemi de la veille. Il n’eut garde de ménager les avances et les flatteries à l’empereur de Russie et, lorsque le général Sprengporten, envoyé par le tsar pour annoncer la conclusion de la ligue des neutres repartit, il emporta une lettre du Premier Consul[2]. « Vingt-quatre heures après que Votre Majesté aura chargé quelqu’un qui ait toute sa confiance et qui soit dépositaire de ses spéciaux et pleins pouvoirs, le continent et les mers seront tranquilles. Car lorsque l’Angleterre, l’empereur d’Allemagne et toutes les autres puissances seront convaincus que les volontés comme les bras de nos deux grandes nations tendent au même but, les armes leur échapperont des mains et la génération actuelle bénira Votre Majesté de l’avoir arrachée aux horreurs de la guerre et aux déchirements des factions. » Le 20 janvier 1801, Paul Ier lui écrivait de son côté : « Je vous propose de convenir entre nous des moyens de finir et faire finir les maux qui désolent depuis onze ans, l’Europe entière. Je ne parle ni ne veux discuter ni des Droits de l’Homme ni des principes des différents gouvernements que chaque pays a adoptés. Cherchons à rendre le repos et le calme au monde… Me voici prêt à vous écouter et m’entretenir avec

  1. Bruix, qui devait trouver devant Cadix la flotte de Dumanoir et de Linois, ne put atteindre le port de rendez-vous. Linois, après un combat à Algésiras, dut rentrer à Cadix avec une flotte désemparée.
  2. 21 décembre 1800.