Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/178

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« L’ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciale nommée dans la dernière séance pour présenter ses vues sur le témoignage de reconnaissance nationale que le Sénat a été d’avis de donner au Premier Consul de la République.

« Au nom de cette commission, le sénateur Lacépède retrace à l’Assemblée les services signalés que le Premier Consul a rendus à la chose publique, ses victoires, ses traités, la paix qui en été le fruit, les droits qu’il s’est acquis à la reconnaissance nationale et à l’admiration de la postérité.

« Il observe que le témoignage de reconnaissance voté par le Sénat ne peut être qu’une grande marque de confiance et propose, en conséquence, de réélire le Premier Consul pour les dix ans qui suivront immédiatement ceux pour lesquels il a été élu par l’article 39 de la Constitution.

« Il présente un projet du sénatus-consulte rédigé dans cette vue.

« La discussion s’ouvre sur le rapport de la commission.

« Un membre trouve insuffisant, sous le rapport de la reconnaissance et sous celui des grandes choses qu’on doit encore attendre du gouvernement, le terme de dix ans indiqué par la commission. Il propose, comme plus conforme à l’intérêt public, plus digne du Premier Consul et du Sénat, la réélection à vie. Plusieurs orateurs parlent dans le même sens.

« Plusieurs autres apprécient par divers motifs le projet de la commission.

« Le rapporteur, au nom de celle-ci, déclare qu’elle a discuté dans son sein la réélection à vie, mais qu’après en avoir pesé les avantages, elle a pensé que l’initiative, sur cet objet, devait appartenir au Sénat, réuni en assemblée générale.

« Le sénatus-consulte accorde la priorité à ce projet.

« Il en est fait une seconde lecture, après laquelle l’assemblée vote au scrutin sur son adoption.

« Le dépouillement du scrutin, fait en présence des citoyens Cornet et Du Bois du Bais, désignés scrutateurs par la voie du sort, donne la majorité absolue en faveur du projet du sénatus-consulte présenté par la commission. »

Bonaparte, furieux d’avoir été joué par le Sénat de qui il n’attendait que servilité, mais de plus en plus décidé à s’assurer définitivement le pouvoir, répondit au sénatus-consulte, qui prolongeait sa magistrature de dix ans, par un message où on lit : « Sénateurs, le suffrage du peuple m’a investi de la suprême magistrature. Je ne me croirais pas assuré de sa confiance si l’acte qui m’y retiendrait n’était pas encore sanctionné par son suffrage… Vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice : je le ferai, si le vœu du peuple me commande ce que votre suffrage autorise. » Ce message commence un nouvel acte de la comédie consulaire, ou Cambacérès devient le principal protagoniste. C’est lui qui, en effet, eut l’idée de recourir au plé-