Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/276

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Leipzig est un centre où des foires, d’une très antique institution ont établi un commerce très étendu entre le Nord et les pays tempérés de l’Europe. Les villes d’Allemagne ont leurs agents dans ce marché général, qui est fréquenté par toutes les nations et particulièrement par les Russes, les Polonais, les Français, les Italiens ; même les Turcs ou Grecs qui s’y rendent par terre et viennent s’y pourvoir de nos étoffes riches d’or, d’argent et de soie.

« Cette foire célèbre facilite, en notre faveur, l’importation de nos articles de soieries et élude en partie les lois prohibitives qui interdisent l’entrée d’un grand nombre de nos articles en Russie et dans les états de l’empereur d’Autriche et du roi de Prusse. La ville de Leipzig, quoique soumise à la souveraineté de l’électeur de Saxe, jouit de privilèges qui lui sont propres et est régie par de fort bons règlements municipaux et c’est à la précieuse sécurité qui résulte de cet avantage, autant et plus qu’au génie commerçant de ses habitants et à sa position géographique, qu’elle doit la grande et non interrompue fréquentation de ses deux foires annuelles. Nous autres, Lyonnais, débitons dans ces deux foires à peu près les 2/3 des étoffes que nous fabriquons et, dans la même proportion, nos gants et bas de soie. Il s’y consomme en outre la majeure partie des rubans de Saint-Étienne, une quantité considérable d’ouvrages de tricot de soie de Nîmes, Ganges, Saint-Hippolyte, etc. Presque la totalité des ouvrages d’horlogerie et bijouterie de Genève, une grande partie des porcelaines fabriquées à Paris, qui y fournit de plus de l’horlogerie, des bijoux, des bronzes, des fleurs, des parfumeries, des modes ; et enfin de la librairie, branche de commerce que l’ancienneté et les lumières des marchands de cet ordre à Leipzig rendent très considérable ; des draps et des velours du département du Rhin, malgré la concurrence des manufactures anglaises ; des dentelles, linons et toiles fines de la Belgique ; des vins de Bourgogne, Bordeaux et Champagne.

« Toutes ces fournitures se payent et se soldent en argent comptant, en sorte qu’on peut dire que Leipzig est le principal canal par lequel aujourd’hui rentre en France le numéraire que nous dépensons pour les approvisionnements que nous tirons du Nord et pour le supplément des denrées coloniales depuis la perte de Saint-Domingue. Il serait donc très important pour le commerce de la France, et surtout pour celui de la ville de Lyon, que cette combinaison d’intérêts commerciaux ne reçût point d’atteinte par les modifications que vos victoires pourront apporter à l’organisation de l’Allemagne, et particulièrement au mode d’existence de Leipzig, afin que, sous le sceau de votre puissance, et, particulièrement, de votre protection, cette ville libre puisse continuer à se livrer à un commerce qui, en faisant sa prospérité, contribue au bien général de celui de la France, et que, sous les auspices de Votre Majesté, l’assurance fut promptement publiée et donnée à l’Europe. Tel est le but et l’objet de la pétition que le commerce de Lyon vous adresse par