Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/297

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nationale un genre de marchandises dont l’Angleterre prohibe la vente dans son intérieur parce qu’elle la reconnaît nuisible à l’intérêt de ses habitants. » Sur la réclamation des fileurs et fabricants de toiles, on a doublé les droits à l’entrée des toiles étrangères. Mais alors des fabricants de toiles peintes, qui employaient des toiles étrangères, ont réclamé « et menacent la France d’être privée de toiles peintes si le tarif de la douane n’est pas rétabli au taux où il était avant le 1er jour complémentaire de l’an xiii… La réponse des manufacturiers du département du Rhône au mémoire des fabricants de toiles peintes du département du Haut-Rhin… a victorieusement repoussé les réclamations. » Le système a consisté à prouver que, depuis le doublement des droits, les tissus de l’Inde n’ont pas augmenté de prix, qu’ils ont baissé au contraire de 10 à 15 % en Angleterre et en Suisse, qu’il y a encore un stock de plus de 1 600 000 pièces à écouler, et que, par conséquent, une baisse doit encore se produire sur ces tissus. Les fabricants de toiles peintes ne sont donc pas en droit de se plaindre. Par contre, les fileurs et tisseurs sont gravement lésés si on laisse envahir le marché par des toiles étrangères de prix inférieur. Il n’y a plus de débouchés aux produits de la filature et « le défaut de vente des fils et toiles de coton français, en opérant la ruine des deux branches de l’industrie du coton, qui emploient le plus de bras, opère la ruine de plus de 50 000 familles indigentes, celle de tous les entrepreneurs qui les occupent. » L’auteur du mémoire rappelle que déjà l’emploi des toiles d’origine anglaise dans les indienneries du département du Haut-Rhin avait détruit, dans le seul territoire de Mulhouse, plus de 3 000 métiers qui y tissaient en 1786 et il s’efforce de prouver que l’industrie française peut fournir en très peu de temps au-delà des 800 000 pièces que les fabricants de toiles peintes impriment annuellement et qu’en tous cas les entrepreneurs d’indiennes ont acheté en juillet, en Angleterre, de quoi fournir à une année. La conclusion est qu’il faut prohiber absolument les toiles et fils anglais, et ce en toute confiance puisque : « 1° l’expérience a démontré qu’elle est le moyen par lequel les fabrications de velours, bazins, toiles peintes, etc., ont obtenu en France leur rapide perfectionnement ; 2° puisqu’elle ne compromet en aucun point l’existence et les profits légaux de ceux mêmes qui réclament contre son établissement ; 3° puisqu’elle concentrera parmi nous les nombreux millions dont nous nous rendons volontairement tributaires pour l’avantage de nos ennemis et que la circulation dans l’empire de ces millions aujourd’hui perdus pour nous augmentera nos moyens de travail ; 4° parce que l’Angleterre, notre aînée en industrie, n’est parvenue que par cette mesure au degré étonnant où elle est de prospérité dans son commerce et dans son industrie, vraiment disproportionné avec l’étendue de son territoire et que, pour le dire encore une fois, elle prohibe chez elle, pour l’avantage de son industrie nationale, les toiles dont nous nous empressons de nous fournir dans ses magasins quoiqu’elles soient le