Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au restaurateur de la gloire nationale et au défenseur des droits de tous les peuples du continent de venger l’Europe d’une violation aussi éhontée du droit maritime et du droit des gens ; qu’aucun sacrifice, aucune privation ne coûteront aux négociants de Marseille pour concourir aux vues magnanimes de Sa Majesté l’Empereur et Roi ; qu’ils s’empresseront, par leur exemple et par leurs conseils, de rappeler les consommateurs aux produits des matières indigènes et des fabriques nationales, d’ouvrir au courage de nos marins la carrière des armements en course, d’entretenir l’indignation générale contre la piraterie britannique et de consacrer, avec l’énergie que commande l’honneur national, toutes leurs facultés au rétablissement de la liberté des mers ;

« Délibère unanimement de prier Son Excellence le ministre de l’Intérieur d’être, dans cette grande circonstance, auprès de Sa Majesté l’Empereur et Roi, l’interprète des sentiments d’amour, d’admiration et de dévouement de la Chambre et du Commerce de Marseille ;

« Et que la présente délibération sera affichée dans la Bourse.

« Certifié conforme : Le Secrétaire de la Chambre.

Signé : Capus. »

Mais, pour mieux comprendre encore l’action persistante exercée par les industriels sur les résolutions de Napoléon, il faut lire quelques pages très curieuses des mémoires de Richard, dit Richard-Lenoir, mémoires dans lesquelles il raconte, avec une franchise un peu cynique les diverses étapes de sa fortune et de sa ruine.

Tour à tour garçon de café, commis, marchand, contrebandier, commerçant et industriel, Richard se vante d’avoir été le protégé de Joséphine et d’avoir conquis les bonnes grâces de l’empereur. Il va nous raconter certaine séance du conseil privé où fut agitée la question de la prohibition des toiles à impression et de la mousseline et nous allons y saisir sur le vif la façon dont les intéressés savaient présenter à l’empereur les arguments les plus propres à flatter ses secrets désirs.

L’auteur des mémoires nous rappelle d’abord que, sous le Consulat, Bonaparte avait pris des engagements formels à l’égard des fabricants :

« Les filatures s’étaient montées de toutes parts comme par enchantement, dit Richard-Lenoir, et déjà toutes les voix demandaient la prohibition des tissus étrangers. MM. Audelet Goupil fils firent, à ce sujet,un mémoire qui seconda beaucoup le nôtre. Le moment était arrivé de demander à l’empereur l’exécution des promesses du premier consul. »

« Déjà, depuis quelques années, l’empereur soumettait au Conseil d’État la question de l’importation ; elle était encore fort douteuse et fort incer-