Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/377

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La plus importante bataille, avant d’arriver aux portes de la capitale, fut livrée à Ebersberg le 3 mai : trente-cinq mille Autrichiens essayèrent en vain de tenir tête à nos troupes commandées par Masséna. Toutefois, pendant quelques heures, une division, celle de Claparède, fut en grand péril ; mais, après une lutte héroïque, les nôtres triomphèrent enfin. Là encore, dix mille Autrichiens et trois mille Français arrosèrent de leur sang les lauriers impériaux.

Le 10 mai, Napoléon arriva devant Vienne et pénétra dans les faubourgs : il n’éprouva de résistance que de la part de la vieille ville, défendue par l’archiduc Maximilien qui ne capitula qu’après un terrible bombardement.

Dès lors, le vainqueur s’installa au château de Schœnbrunn et multiplia les décrets, prononçant la dissolution de la landwehr, enjoignant aux officiers de rentrer dans leurs foyers, sous peine de voir leurs maisons brûlées et leurs propriétés confisquées. Ne fallait-il pas des proies à abandonner aux grands chefs militaires déjà mis en appétit par les libéralités précédentes ? À Ratisbonne, en effet, l’empereur avait distribué des sommes énormes, créé des baronnies, réparti des terres volées aux vaincus.

Mais Napoléon avait beau agir comme s’il avait déjà conquis l’immense empire autrichien, les hostilités n’allaient pas moins reprendre plus furieusement que jamais.

L’archiduc Charles était établi sur la rive gauche du Danube ; l’empereur résolut de l’y rejoindre malgré les difficultés de l’entreprise, obligé qu’il était de faire passer les troupes sur des ponts improvisés, construits en toute hâte, avec l’île Lobau comme pilier central : la bataille d’Essling se préparait.

Le 18 mai, l’île Lobau était déjà occupée par le général Molitor qui devait protéger l’achèvement des ponts ; le 20 mai, l’empereur en personne se transporta dans l’île et fit passer sur la rive gauche les deux divisions Molitor et Boudet. Le lendemain, il passait lui-même avec Berthier, Masséna et Lannes, et occupa immédiatement les villages d’Essling et Gross-Aspern.

C’est alors que l’archiduc Charles, qu’on ne soupçonnait point si rapproché, apparut soudain avec près de cent mille hommes et commença l’attaque avec un terrible acharnement contre nos troupes en fâcheuse posture, acculées qu’elles étaient au fleuve, dans l’impossibilité de reculer, car les ponts venaient d’être rompus.

Six fois, le village de Gross-Aspern fut pris et repris, et Lannes ne se maintenait à Essling que par des prodiges de valeur.

Quand la nuit mit fin au combat, des milliers et des milliers de cadavres étaient couchés sur le champ de bataille. D’autres allaient encore s’y empiler en un affreux charnier.

Le lendemain, en effet, l’archiduc Charles recommença l’attaque au petit jour, et Masséna eut le premier à subir son rude assaut, auquel il résis-