Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/467

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seconde autorité représentante est le Sénat ; la troisième, le Conseil d’État, qui a de véritables attributions législatives ; le Conseil législatif a le quatrième rang. Tout rentrerait dans le désordre si d’autres idées constitutionnelles venaient pervertir les idées de nos constitutions monarchiques. »

Quelle insistance orgueilleuse, quelle humiliante remise en place pour le Corps législatif qui se voyait ainsi dépouillé de toute prérogative.

Ce, n’était point la première fois d’ailleurs que Napoléon lui manifestait pareil dédain et qu’il lui refusait, en fait, le rôle de représentant de la Nation. Le Sénat complaisant n’avait-il pas reconnu qu’il pouvait nommer lui-même des députés, sur la simple présentation de Sa Majesté, toutes les fois qu’il y aurait urgence : dès 1806 un sénatus-consulte avait nommé neuf députés.

L’avenir devait réserver bien d’autres avanies au Corps législatif de plus en plus recruté sans le concours des collèges électoraux par des sénatus-consultes successifs : le premier, du 21 décembre 1808, qui nomme 6 députés ; le second, du 5 juillet 1809, qui en nomme 12 ; le troisième, du 19 juin 1810, qui en nomme un ; le quatrième, du même jour, qui en nomme 25 ; le cinquième, du 23 février 1811 qui en nomme 10 ; le sixième, du 2 août 1812, qui en nomme 12. Et l’Assemblée de plus en plus asservie, se taisait toujours : mais son mécontentement n’en faisait que grandir davantage dans le silence forcé.

De même si l’opinion publique restait bâillonnée au point de ne pouvoir se manifester hautement, certains indices d’hostilité au régime impérial pouvaient être aperçus : on chuchotait dans les salons, dans les ateliers, dans les boutiques. Et, si étouffés que fussent les murmures, ils allèrent pourtant jusqu’à l’oreille de l’empereur qui revint fort courroucé d’Espagne (en janvier 1809), s’en prenant avec violence à Talleyrand et à Fouché, à son grand chambellan et au ministre de la police.

Mais quelques flagorneries officielles suffirent à le tranquilliser, et quand l’empereur eut entendu les Lacépède, les Defermon et les Séguier faire assaut de courtisanerie, il put se préparer en toute tranquillité à la nouvelle expédition d’Autriche.

« Vous nous avez accoutumés, Sire, disait Séguier, aux victoires, aux prises des villes et des royaumes. Quand vous partez, nous savons que vous reviendrez avec de nouvelles victoires et elles sont si rapidement acquises qu’à peine nous avons le temps de préparer nos félicitations… »

Ces félicitations, on se rappelle que Napoléon vint rapidement les rechercher à nouveau, au lendemain du traité de Vienne, c’est-à-dire en octobre 1809.

Il s’agissait alors pour lui de tirer le meilleur parti de la situation présente et d’asseoir sa dynastie sur des bases un peu moins fragiles. Se sentant exécré par l’Europe entière, impopulaire dans son propre empire où le clergé — nous l’avons vu — exploitait avec une habile énergie l’excommu-