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La loi du 18 mars 1806 et le décret du 11 juin 1809 sur les conseils de prud’hommes, exigent que les patrons aient toujours un membre de plus, dans ces conseils ; que les chefs d’ateliers, contremaîtres ou ouvriers patentés. Les ouvriers proprement dits n’y étaient même pas représentés.

Le Code pénal n’abrogea pas la loi du 17 juin 1791, et il demeura interdit à des ouvriers de même métier de se réunir, même à un nombre inférieur à vingt, pour la défense de leurs intérêts professionnels.

Le régime napoléonien ménageait encore aux travailleurs une institution qui devait être une précieuse auxiliaire de la préfecture de police : nous voulons parler des bureaux de placement officiels qui, disait l’ordonnance du 10 février 1804, seraient établis pour les classes d’ouvriers à l’égard desquelles il serait jugé nécessaire.

Il ne s’agissait nullement, en l’espèce, d’une institution de placement gratuit destinée à venir en aide aux ouvriers en chômage, mais bien d’une organisation policière que les travailleurs devaient entretenir de leurs propres deniers. En effet, une ordonnance du 26 avril 1804 fixe à 2 francs la rétribution pour le placement des garçons marchands de vin : une autre fixe à 1 fr. 50 la rétribution pour le placement des ouvriers orfèvres, bijoutiers, etc. ; des ordonnances de même date fixent encore cette rétribution pour la plupart des catégories d’ouvriers.

D’ailleurs, à partir de ce moment, la réglementation ouvrière va devenir de plus en plus étroite et tracassière. Voici, par exemple, une ordonnance relative aux garçons marchands de vins (avril 1804).

Article premier. — Aucun garçon marchand de vins ou marchand de vins-traiteur ne peut quitter le marchand chez lequel il est placé sans l’avoir averti au moins huit jours d’avance, si ce n’est du consentement du marchand. Dans tous les cas, ce dernier devra lui en délivrer un certificat. (Ord. du 15 mars 1779, art. 5.)

Art. 2. — Il ne peut sortir, de chaque boutique, plus d’un garçon par semaine, si ce n’est du consentement du marchand. (Même ord., art. 15.)

Art. 3. — Tout garçon marchand de vins qui sortira de chez un marchand ne pourra, pendant l’espace d’une année, entrer chez un autre marchand, s’il n’existe un intervalle de quinze boutiques du même commerce entre le marchand de vins qu’il aura quitté et celui chez lequel il entrera. (Même ord., art. 6.)

Art. 4. — Tout garçon marchand de vins ou fils de marchand de vins qui désire acquérir ou former un établissement, sera tenu de laisser entre sa boutique et celle du marchand qu’il aura quitté un intervalle de 390 mètres (200 toises environ) en tous sens. (Lettres patentes du 7 septembre 1780, art. 14.)

Une autre ordonnance, relative aux garçons perruquiers, est encore plus rigide ; son article 5 est ainsi conçu :