Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louis XVIII, c’est plutôt comme gentilshommes que comme prêtres, que ces néophytes du gallicanisme se révoltèrent contre le pape et le traitèrent en leurs factums d’hérétique, de juif, de païen, de publicain[1]. » Il n’y eut pas de semblables difficultés soulevées par l’épiscopat constitutionnel, malgré le pessimisme de Consalvi qui voyait Grégoire très soutenu par Bonaparte lui-même, sans comprendre que le Premier Consul s’en servait comme d’une sorte d’épouvantail. La protestation des évêques constitutionnels se borna en somme à la remise au gouvernement « d’observations », où l’on voit figurer en particulier une demande pour le maintien des élections épiscopales. Mais c’est en masse que les évêques constitutionnels répondirent au bref du pape leur demandant de se soumettre, en lui adressant leurs démissions. Bonaparte les récompensa — bien qu’il les détestât à cause de leur républicanisme — en en portant 12 aux nouveaux sièges épiscopaux.

Il fallut, en effet, pourvoir aux désignations nouvelles et cela conformément à l’article 4 du Concordat. « Le premier consul de la République nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté confèrera l’institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement. » Nous avons souligné les deux mots « nommera… confèrera » afin d’en faire ressortir immédiatement l’importance. Ils sont l’occasion d’un conflit permanent, résultat de la mauvaise foi avec laquelle la papauté interprète, comme nous le savons, le Concordat lorsqu’il lui semble porter atteinte à sa souveraineté. Veut-on lire l’article 4 comme le lisent les partisans du pape-roi ? Un historien dont nous avons déjà indiqué les tendances nous en donne la facile occasion. Voici comment M. Chénon, dans son analyse du Concordat, présente notre texte[2] : « Les nouveaux évêques devaient être nommés comme sous l’ancien régime, c’est-à-dire présentés par le gouvernement dans les trois mois de la vacance du siège et institués par le pape, suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement (art. 5).[3] » Et voilà dans quelles conditions les partisans du Concordat en comprennent le texte. Là où celui-ci porte : le gouvernement nomme, le pape institue, ils traduisent : le gouvernement propose et le pape… dispose ! Et les écrivains catholiques adoptent une singulière méthode pour persuader que le Concordat dit précisément le contraire de ce qu’il dit en réalité : cette méthode s’appelle, en langue vulgaire, le bluff. Ils procèdent par affirmation ; Pie VII, Consalvi, tous

  1. Hist. pol. de la Rev. franc. p. 739. — On appela Petite Église un schisme localisé surtout dans l’Ouest, qui groupa quelques fidèles autour de ces évêques qui refusèrent d’adhérer au Concordat.
  2. La critique de l’art. 4 porte aussi sur l’art. 5 : « Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite seront également faites par le Premier Consul et l’institution canonique sera donnée par le Saint-Siège.
  3. Hist. de Lavisse et Rambaud, IX, 260-61. On remarquera que M. Chénon indique l’art. 5 au lieu de l’art. 4.