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Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/67

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livre mis sur le châssis. Le 22 (octobre 1861), je m’étais couché de bonne heure comme à l’ordinaire, et je sommeillais, quand le pesant volume tombe sur le plancher; un bras décidé a poussé la fenêtre du dehors au dedans, et une voix de femme, voix aussi ferme mais un peu plus brève que de coutume, jette ces mots dans la chambre : « Il est là, et désire partir sur-le-champ.»

Je fus debout et habillé en soixante secondes; je sortis dans le jardin. Anderson cherchait ma main dans l’obscurité. Il la serra avec une effusion qui ne s’exprime pas, agité de ce sentiment de satisfaction secrète que devait éprouver Latude, lorsqu’il passait sous son déguisement les portes du château de Vincennes. La femme généreuse et républicaine dont ceci était l’œuvre, enveloppée dans un gros châle, blottie auprès du tronc massif d’un chêne vert aussi vieux que le monde, prêtait l’oreille à la mélodie grave du vent.

Les pieds du gentleman étaient en plaies, déchirés par les ronces et les buissons. Anderson, après s’être dérobé, à la nuit tombante, aux regards des sentinelles, avait passé plusieurs heures dans la rivière du Salado, caché dans l’eau jusqu’au cou. De là il avait entendu battre la générale, il ne doutait pas que sa fuite ne fût connue, et que la poursuite ne fût déjà commencée de tous côtés. Il s’était perdu parmi ces collines et ces vallées sans chemins, qui se ressemblent toutes, qui se succèdent indéfiniment.

La soirée avançait; les moments étaient comptés. Il fallait s’occuper des apprêts du départ. Seller un che-